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Inscrite à l’agenda de l’UNESCO en 2004, la Journée Internationale du Souvenir de la Traite Négrière et de son Abolition (JISTNA) est célébrée le 23...

La banque de demain…

Afrology a lancé en 2020 un projet de création d’une banque d’épargne et d’investissement. La Banque de demain regroupe des africains de la diaspora répartis...

L’Afrique face à l’humanisme sélectif en Occident

Le développement par procuration est-il possible?

L’année 2020, que nous souhaitons heureuse pour tous les afrologues, commence avec beaucoup de similitudes avec 2019, pour le continent. Une ONG dénommée “Plan International” lance une initiative fort louable dans un programme de soutien aux filles du Sud. Avec des slogans accrocheurs, l’association se pose en donneuse de leçon pour les populations africaines. Saviez-vous, disent-ils (sans présenter les statistiques), que les filles sont bien plus souvent confrontées à la discrimination et à la violence que les garçons et les hommes?

Actions isolées sans concertation

Pour ces raisons, ils décident de lutter contre le mariage forcé au Malawi, l’excision en Egypte et proclament la scolarité pour toutes. Au-delà de la bonne volonté affichée de ces associations dites humanitaires, il est temps pour l’Afrique de se questionner sur ses priorités. Est-il normal pour un Etat, un peuple, une nation, de se laisser dicter ses urgences par un groupe extérieur? On imagine mal l’association de la forêt sacrée au Togo financer et organiser la prise en charge des clochards des rues de Paris ou de Bruxelles. Ces actions pourraient entrer en contradiction totale avec l’organisation locale des populations dites sauvages; mais ce n’est pas si grave.

Pendant ce temps en RCA, des petits garçons doivent faire face à des instructeurs catholiques et pervers sans aucun garde-fou, d’autres jeunes filles mineures meurent en silence en tentant la traversée de la Méditerranée. C’est certainement moins grave “selon les humanistes” de finir dans l’océan sur les côtes italiennes que de se faire mettre la bague aux doigts à 15 ans. Les mêmes associations et ONG restent silencieuses sur les crimes de la métropole en Afrique. On tolère la démocrature à l’africaine, mais on s’indigne devant le mariage à 15 ans et l’excision.

La question fondamentale est celle du transfert des valeurs morales au prétexte d’humanisme. Nous nous sommes toujours demandé s’il était possible de passer de la houe au tracteur sans la transition de la culture attelée. Au nom d’une morale propre, on se déplace pour interdire le mariage forcé à 16 ans; il est possible que les mêmes acteurs reviennent dans quelques années pour imposer la majorité sexuelle à 14 ans et sauver les enfants d’un abrutissement forcé.

Le développement en question

Longtemps les pratiques dites barbares du continent africain ont été diabolisées. L’adoration vouée à la nature a même été condamnée comme une manifestation satanique que l’on qualifiait d’animisme. Quelques décennies plus tard, les mêmes détracteurs déclarent l’urgence d’un retour à la nature.

Si le modèle idéal de développement est celui de l’occident, il faudrait alors éviter de bruler les étapes. L’Afrique devrait connaître sa lutte de classes, sa révolution industrielle avec son lot de pollutions pour enfin revenir à la terre et comprendre le monde moderne. A chacune de ses étapes, la métropole pense avoir LA solution pour le Sud. Le problème est que les colonies n’ont toujours pas réussi leur première révolution (la lutte des castes) et semblent croupir dans un état proche du moyen-âge, malgré toutes les bonnes volontés affichées ou feintes un peu plus au Nord.

Aujourd’hui, 60 ans après les prétendues indépendances, l’Afrique n’est toujours pas associée à la réflexion sur son avenir. On prend des décisions pour elle et on les met en pratique sans souci de ses priorités propres. A l’image des missionnaires du siècle dernier, on avance dans une fiction civilisatrice des populations africaines. Ces dernières, dans leur bonté béate ont adopté les programmes de la métropole distillées dans les loges-filles laiques partout disséminées sur le continent, sans aucune analyse ni adaptation. Peau Noire, masques blancs, disait Fanon…

Epilogue

Maintenant que la victime (fiancée mineure ou excisée) a pris conscience de son état, a-t-on le droit de la laisser croupir dans son milieu? Que lui apporte l’instruction, si c’est pour apprendre une langue que ses parents ne parlent pas?

Et si la fuite et l’exil en Europe étaient les seules options pour sauver ces filles de l’excision ou du mariage forcé? Pour le moment, l’Italie interdit le débarquement sur ses côtes, et la France confie les visas Schengen à des sociétés privées,  plus intéressées par le nombre que la qualité des demandes. Les ONG n’osent pas se prononcer, afin d’éviter l’ingérence et l’incident diplomatique…

Au nom de cet humanisme, les armées turques vont bientôt débarquer avec quelques chars en Libye, après la destruction toute aussi humaniste du pays par la France de Sarkozy. Et les gouvernements du Sud pendant ce temps? Absents ou occupés à transférer quelques devises en valise diplomatique pour humaniser le Nord.

Bruxelles, le 05 janvier 2020
Ablam Ahadji