LES DOSSIERS

Pour une internationale écologiste

L’Afrique devrait produire trois fois plus de déchets d’ici 2050 – Rire ou pleurer?

“Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.
Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées.”
Molière – Le Tartuffe, III, 2 (v. 860-862)

Signe d’évolution ou de décroissance? En 2050, le monde devrait générer 3,4 milliards de tonnes de déchets par an, selon une étude de la Banque mondiale; une augmentation de 70%. Entre océans de plastique, injections volontaires puis rejets en tout genre, l’Afrique n’est pas exclue, pour une fois.

Le volume total de ces déchets était de 2,01 milliards de tonnes en 2016, et pourrait alors atteindre les 3,4 milliards en 2050. La BM indique également que les pays les plus riches représentent seulement 16% de la population mondiale, mais produisent plus d’un tiers des déchets, à savoir 34% ! Quant à la région Pacifique ainsi que l’Asie de l’Est, il est question de 23% – soit près d’un quart du volume total des déchets. Il y a également une donnée ajoutant encore un peu plus d’inquiétude : l’Afrique subsaharienne devrait tripler sa production de déchets dans les trois décennies à venir.

C’est la région du monde qui connaît la plus forte croissance en matière de déchets. Grâce à une croissance économique et démographique soutenue. L’accumulation des déchets devient un problème majeur, en particulier pour les pays d’Afrique subsaharienne.

Des chiffres inquiétants

«L’Afrique subsaharienne a généré 174 millions de tonnes de déchets en 2016, avec un taux de 0,46 kilogramme par habitant et par jour. C’est la région dont la croissance est la plus rapide, les déchets devraient presque tripler d’ici 2050. Mais pour l’instant, ces déchets sont essentiellement organiques», souligne la Banque mondiale (BM) dans un rapport inquiétant sur la production de déchets dans le monde.

La production de déchets municipaux par région en 2016, 2030 et 2050. © Céline Deluzarche, d’après Banque Mondiale

Cette croissance des rejets en tout genre ne va pas sans poser des problèmes. «La mauvaise gestion des déchets nuit à la santé humaine et à l’environnement, ce qui s’ajoute au problème du climat», a commenté Laura Tuck, vice-présidente chargée du développement durable à la Banque mondiale. «Malheureusement, ce sont souvent les plus pauvres de la société qui subissent l’impact d’une gestion inadéquate des déchets», souligne-t-elle.

La Banque mondiale s’inquiète de la mauvaise gestion du plastique, particulièrement problématique puisque cette matière peut avoir un impact sur les écosystèmes pendant des centaines voire des milliers d’années. En 2016, le monde a généré 242 millions de tonnes de déchets plastiques, soit 12% du total des déchets solides.

En 2050, l’Afrique va dépasser l’Europe, avec des déchets pour la plupart importés. De fait, les ménages ne sont pas la première source de déchets. L’industrie en génère 18 fois plus, soit 12,7 kg de déchets par jour et par habitant. Ces déchets non dangereux (ferraille, papier-carton, verre, textile, bois, plastique…) pourraient être valorisés, par exemple comme combustible en remplacement du pétrole. Le problème provient surtout des déchets dangereux (matériaux contenant de l’amiante, déchets médicaux, appareils contenant des PCB et PCT…), particulièrement difficiles à traiter et qui présentent un haut niveau de toxicité pour l’environnement.

Quelques problèmes sanitaires

On s’indigne à Rome pour quelques poubelles; et pourtant… Le « marché informel » des ordures fait travailler 15 millions de personnes. Ce sont souvent les populations les plus pauvres et les plus vulnérables (femmes, enfants, immigrés…) qui collectent, trient et revendent les ordures. Ces travailleurs de l’ombre alimentent, dans certains cas, une véritable économie locale qui prive ainsi les enfants d’éducation et les expose aux produits dangereux et aux maladies.

À Bamako, capitale du Mali, faute de ramassage régulier des déchets, les riverains les déchargent en pleine rue avant de les brûler. Au Togo, des associations s’organisent dans les quartiers pour récupérer les déchets chez les abonnés au service; mais, par manque de structures d’encadrement ou de gestion, les ordures sont ensuite brulées ou enterrées. La population impuissante est la victime directe de ce phénomène : entassement des détritus, fumées récurrentes, odeurs nauséabondes, de plus en plus de rats, cafards et mouches prospérant autour des décharges sauvages avec comme corollaire la contamination des ressources hydriques, des terres, de l’agriculture, du bétail et augmentation de la pollution de l’air, provoquant des maladies dangereuses pour ces populations contraintes à vivre dans des «quartiers poubelle».

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’insalubrité environnementale provoque plus de 12,6 millions de décès par an, un chiffre qui devrait exploser dans les années à venir à cause du boom démographique que subit l’Afrique.

Et l’Occident pendant ce temps? On peut bloquer les ports aux migrants. Mais comment refuser l’entrée à un oiseau migrateur ou un poisson qui a voyagé sur les côtes africaines et ingéré quelques grammes de ces déchets que nous refusons de voir?

Protestations isolées et actions contreproductives

Face à cette réalité, décidée à se faire entendre par le reste du monde, la jeunesse africaine, la jeunesse du monde de demain, proteste, manifeste, témoigne, diffuse des informations sur les réseaux sociaux et prend la parole dans des conférences, forums et autres sommets internationaux «verts» organisés pour soi-disant trouver des solutions à ces problèmes. Mais la question d’une écologie “universelle” ou à tendance universaliste reste une pieuse utopie, malgré le passage des Ecolo dans certains gouvernements du Nord.

Pour les journaux à grande audience, le scoop reste l’occident: les ordures de Rome, les conséquences de Tchernobil, la disparition des abeilles des montagnes européennes… C’est à croire qu’il existe un mur entre les continents. On s’indigne dans les pays occidentaux, mais si les pays riches recyclent environ un tiers de leurs déchets, seuls 4% des déchets sont recyclés dans les pays pauvres.

On connait pourtant les producteurs de ces déchets solides…

En 2008, lorsque Nicolas Hulot propose au Grand orient de France de donner une Dimension Ethique et Spirituelle à l’Ecologie [une sorte d’animisme 2.0], a-t-il fait l’exercice d’identification des vrais démons? [in intervention au Grand Orient de France de Monsieur Nicolas HULOT Mardi 29 janvier 2008 à 20 heures Temple n°1 – Arthur Groussier (Hôtel du GODF, 16 rue Cadet, 75009 PARIS)]. Nos parents en Afrique nous ont enseigné hier le respect de la nature; le missionnaire blanc les a diabolisés, traités de sorciers animistes, puis évangélisés. Hier, ils mangeaient avec les doigts jugés trop sales par le colon; aujourd’hui il leur faut la fourchette jetable (en plastique dur, svp) devant le téléviseur calé sur la seule chaine nationale à la gloire du timonier installé à vie. Autrefois adeptes du troc, ils ont été initiés au Capital et stockent des billets en papier maculés d’encre; des “francs CFA” pour certains, fabriqués par la Grande Banque de France et transportés par le groupe Bolloré.

Gestion égoïste teintée d’humanisme

Pendant que la grande majorité des pays développés fait du traitement des ordures une priorité environnementale, politique et économique, les nations plus vulnérables du Sud n’arrivent pas à tenir le rythme et croulent sous les montagnes de détritus importés. Selon le magazine «Forbes» (2015), 16 des 25 villes les plus sales du monde un continent où les décharges sont pleines à craquer, où des matériaux toxiques, des équipements électroniques et chimiques se mélangent aux ordures ménagères, où autant de détritus traînent dans des infrastructures archaïques que dans la nature ou dans les rues. Parmi les pays les plus touchés par ce phénomène on retrouve le Mali, le Niger, l’Éthiopie, le Congo, le Tchad, la Tanzanie, le Burkina Faso, le Mozambique, le Nigéria et le Togo.

La question qui dérange et que personne ne veut poser est celle de l’origine des déchets déversés dans le Sud, alors qu’on sait que ces régions peinent à transformer sur place leurs ressources. Si le rapport de la Banque mondiale souligne le coût important du traitement et du recyclage des ordures, il constate aussi qu’en Afrique «les modèles de consommation traditionnels de la région évoluent vers des produits plus emballés et électroniques. Une augmentation des importations conduit également à de plus grandes quantités d’emballages».

Nous avons également relevé que l’Afrique soulage l’occident d’un volume important de déchets, sans aucune contrepartie. C’est l’exemple déjà évoqué dans nos conférences, de ces milliers de véhicules d’occasion déversés sur le continent, et pour lesquels le pays exportateur encaisse encore des dividendes: Hypocrisie.

L’aide publique à la pollution – APP

Comme une aumône à un mendiant en difficulté, les pays occidentaux ont fixé à 0,7% de leur PNB la barre des transferts de ressources en direction des pays du Sud. Malgré toute l’opacité du système, les donateurs reconnaissent eux-mêmes atteindre difficilement les 0,3%. Mais on évite toujours de parler des retombés positives des exportations sur-emballées et des retours d’intérêts sur l’aide.

L’AED (aide européenne au développement) a continué de diminuer en 2018, faisant écho à une tendance mondiale. Les fonds mobilisés par le gouvernement belge pour aider les pays en développement sont passés de 0,45% du revenu national brut (RNB) en 2017 à 0,43% en 2018, s’éloignant toujours plus de l’objectif international de 0,7%, d’après des statistiques de l’OCDE, publiées. Les responsables français de l’AFD annoncent avec fierté être remontés avec Macron à un taux de 0,4 avec une généreuse ambition de 0,5% pour 2020. Ils font volontairement l’impasse sur l’augmentation du volume d’affaires dans ces pays dits aidés, avec les retombés toxiques y associées.

Entre 2017 et 2018, l’APD (aide publique mondiale au développement) a reculé de 2,7%. La part d’aide destinée aux pays qui en ont le plus besoin a baissé de 3%, et l’Afrique a vu diminuer l’aide dont elle bénéficiait de 4% en un an. Et on s’étonne de voir des migrants aux portes de l’Europe; au moins ces derniers sont biodégradables…

Dépendance économique et absence de courage politique

Les dirigeants-mendiants du Sud éprouvent quelques difficultés à poser le débat. Il existe pourtant des textes simples leur permettant de réclamer aux sociétés importatrices une taxe de dépollution. Adopté en 1972 par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et en 1986 par la CEE, le principe pollueur-payeur (PPP) est un principe économique qui vise à internaliser dans l’économie les coûts environnementaux cachés (externalités).

Ce principe stipule que les coûts de prévention, de réduction de la pollution, de dépollution et de restauration doivent être supportés par le pollueur à l’origine du sinistre. Dans son application, le principe pollueur-payeur prend de nombreuses formes telles que des normes, des redevances et des taxes, des assurances, des marchés de quotas ou encore des dommages et intérêts suite à une action en justice. La taxe pour l’enlèvement des ordures ménagères dans les pays du Nord relève du principe pollueur-payeur.

Les dirigeants d’Afrique signent des accords commerciaux et importent des rebus du Nord, et aucun n’ose réclamer une taxe pour le traitement des ordures. Pire encore, certains se font encore payer pour enfouir des déchets toxiques et s’étonnent ensuite de voir des citoyens fuir en exil…

Et pourtant nous sommes tous sur la même planète. Ayant tenté en vain d’exposer le problème à des dirigeants africains, nous proposons ici une tenue blanche fermée pour aborder le sujet sans tabous, étant donné que c’est le lieu où se prennent maintenant les décisions sur le continent.

Tant qu’elle refuse de prendre une dimension internationale, nous estimons que l’Ecologie politique reste une masturbation de salon à laquelle nous refusons de participer [une question de pudeur].

Alors, Ecolos de tous pays, unissez-vous pour vider le portefeuille du pollueur…

 

Bruxelles le 06 juillet 2019
Notes et réflexions du groupe de travail Afrology sur les révolutions africaines et ses causes
Gustav Ahadji


Références:

Rapport de la Banque mondiale: [Lire] [Télécharger]

Pollueur Payeur : un principe évident, une application qui l’est (nettement) moins [Télécharger]

Afrique: Le dépotoir oublié [Lire]