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Goma, un verrou brisé

Tshisekedi face à l’histoire et à ses promesses non tenues

 

La chute de Goma, ville stratégique du Nord-Kivu, marque un tournant dramatique dans l’histoire récente de la République démocratique du Congo (RDC). Félix Tshisekedi, arrivé au pouvoir en 2019 avec la promesse de pacifier l’est du pays, avait fait de Goma un symbole de résistance face aux rebelles du M23. « Goma ne tombera pas ! », avait-il clamé, qualifiant ces groupes armés de « rigolos à la solde de Kigali ».

Pourtant, malgré ses déclarations emphatiques et son engagement à « mourir pour la paix », la ville est aujourd’hui tombée aux mains des insurgés. Cet échec ne se limite pas à une défaite militaire : il incarne l’effondrement d’une vision, d’une stratégie, et, pour beaucoup, d’un espoir que Tshisekedi avait incarné. Ce dossier explore les raisons de cet échec, les responsabilités internes et externes, et les perspectives d’avenir pour une RDC en crise.

Goma n’est plus entre les mains de l’État congolais. Ce n’est pas seulement un échec militaire. C’est le symbole d’un effondrement : celui d’une vision, d’une stratégie, et, pour beaucoup, d’un espoir que FATSHI avait incarné. Ce revers rappelle, de manière troublante, d’autres épisodes douloureux de l’histoire récente de la République démocratique du Congo (RDC).

Les leçons oubliées de Kisangani

L’histoire de la RDC regorge de promesses de résistance qui ont fini par céder sous la pression. À la fin des années 1990, le régime de Mobutu Sese Seko proclamait que Kisangani, verrou stratégique au nord, resterait imprenable. Mais la réalité en fut tout autre : malgré des mercenaires étrangers, un soutien aérien limité, et des alliances fragiles, la ville tomba aux mains des rebelles soutenus par le Rwanda et l’Ouganda. Peu après, Kinshasa elle-même succombait, mettant fin au règne de Mobutu.

Le parallèle avec la chute de Goma est frappant. Comme Mobutu, Tshisekedi s’est appuyé sur une armée affaiblie et sous-équipée, les FARDC (Forces armées de la RDC), pour contenir le M23. Les forces en présence étaient loin d’être égales. Soutenus par Kigali selon des rapports internationaux, les rebelles du M23 ont montré une organisation, une logistique et une puissance de feu largement supérieures à celles des troupes gouvernementales. Une fois encore, un « verrou stratégique » a cédé face à un ennemi mieux préparé.

Une gouvernance sous pression

La défaite de Goma met en lumière les faiblesses structurelles du régime Tshisekedi. Si son arrivée au pouvoir en 2019 avait suscité un immense espoir, le bilan, après cinq années de mandat, est largement critiqué :

  • Corruption persistante : Les détournements de fonds au sein des cercles proches du président affaiblissent l’État. Les ressources essentielles pour financer l’armée et les infrastructures sont souvent dilapidées.
  • État de l’armée : Les FARDC, mal équipées, avec des soldes impayées, peinent à se coordonner face à des groupes armés bien organisés.
  • Économie stagnante : Malgré les vastes ressources naturelles du pays, la RDC ne parvient pas à générer une croissance inclusive, privant l’État des moyens nécessaires pour ses missions régaliennes, notamment la sécurité.

Cette crise de gouvernance est accentuée par une crise de légitimité. Les élections présidentielles de 2023, marquées par des irrégularités flagrantes, ont affaibli la confiance populaire. Le président fait désormais face à une double rébellion : celle des armes, incarnée par le M23, et celle des esprits, symbolisée par une population de plus en plus désillusionnée.

L’opposition appelle à la démission

Les forces sociales et politiques de l’opposition ont exigé le samedi 25 janvier 2025, à Goma(Nord-Kivu), la démission immédiate du président Félix-Antoine Tshisekedi, l’accusant d’incompétence face à la guerre qui ravage l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Ces voix dissidentes estiment que cette décision est cruciale pour rétablir la paix et la sécurité dans les provinces en guerre, particulièrement le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Lors d’une conférence de presse, les leaders de l’opposition ont dénoncé l’absence du président dans les zones les plus touchées par le conflit.

« M. Félix Tshisekedi n’a jamais foulé des pieds les provinces touchées par la guerre, sauf pour des raisons électoralistes », ont-ils déclaré, critiquant également ses fréquents déplacements à l’étranger pendant cette période de crise.

« …La paix et la sécurité demeurent une priorité pour le peuple congolais, la seule alternative demeure la démission immédiate de Mr Felix Tshisekedi »

Les partis politiques de l’opposition tels que le LGD et l’ECiDé, soutenus par des organisations de la société civile comme le Parlement des jeunes, ont tenu à rendre hommage aux victimes de la guerre.

Le poids des dynamiques régionales et internationales

Si les failles internes du régime congolais sont évidentes, il serait réducteur d’ignorer les responsabilités externes. Les tensions avec le Rwanda, accusé de soutenir le M23, exacerbent les conflits dans l’est du pays. Cette crise est le fruit d’un environnement géopolitique où les ambitions économiques et stratégiques se mêlent.

La communauté internationale, quant à elle, reste largement passive. Les sanctions contre les soutiens présumés du M23 restent timides. La MONUSCO, présente en RDC depuis plus de 20 ans, est critiquée pour son incapacité à protéger les civils et à empêcher l’expansion des groupes armés. Face à l’inaction des puissances étrangères, les populations locales se sentent abandonnées.

Un avenir incertain pour la RDC

La chute de Goma pose une question cruciale : Quelle direction pour le régime de Félix Tshisekedi ? S’il parvient à survivre à cette crise, son gouvernement devra relever des défis colossaux :

  1. Réformer l’armée : Professionnaliser et équiper les FARDC pour en faire une force capable de répondre aux menaces.
  2. Renforcer les institutions : Lutter contre la corruption pour restaurer la confiance des citoyens et mobiliser les ressources nécessaires au développement.
  3. Travailler sur la coopération régionale : Engager un dialogue constructif avec les voisins, notamment le Rwanda, pour désamorcer les conflits transfrontaliers.

Ces réformes exigent une volonté politique forte et un engagement soutenu, des qualités qui, jusqu’à présent, ont fait défaut à la classe dirigeante congolaise.

Conclusion

La chute de Goma dépasse la simple sphère militaire : elle incarne l’échec d’un système de gouvernance incapable de répondre aux défis multidimensionnels de la RDC. Si Félix Tshisekedi ambitionnait de laisser une empreinte historique en pacifiant l’est du pays, il risque de rejoindre la liste des dirigeants congolais associés à l’instabilité et à l’érosion de l’État.

Pourtant, cette crise peut être une opportunité. Une opportunité de repenser les priorités de l’État, de reconstruire un contrat social basé sur la transparence, la sécurité, et le développement. La RDC, riche de son potentiel humain et naturel, mérite mieux que des promesses non tenues. La question est désormais de savoir si Tshisekedi est prêt à saisir cette chance, ou s’il sera emporté par le vent de l’histoire, à l’image de Mobutu avant lui.

Mais il y a une question à laquelle tout le monde évite de répondre, dans cette accumulation des crises en Afrique: QUI tire réellement profit de ces guerres?

 

Bruxelles, le 28 janvier 2025
Rédaction Afrology


Sources :

  • « The Democratic Republic of Congo: Between Hope and Despair » (Nzongola-Ntalaja, 2002) – pour une analyse des conflits récents en RDC et l’épisode de Kisangani.
  • Rapports de l’International Crisis Group (ICG) sur les dynamiques des conflits dans l’est de la RDC.
  • Human Rights Watch (HRW) : Pour les allégations de corruption et l’impact sur les droits humains dans la région. Ex. : « Democratic Republic of Congo: Armed Conflict and Misgovernance in the East. »
  • Transparency International : Indice de perception de la corruption en RDC (derniers classements disponibles pour 2023).
  • « Understanding the Conflicts in the Great Lakes Region » (Prunier, Gérard, 2009) – pour les tensions historiques entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda.
  • Rapports de la MONUSCO : Les rapports publics disponibles sur le site de l’ONU (https://monusco.unmissions.org) documentent les activités de la mission, les défis et les critiques qu’elle reçoit.