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Le discours de La Baule 20 juin 1990 : 26 ans après…

Relations franco-africaines

Le discours de La Baule 20 juin 1990 (1) : Bientôt 26 ans

Il y a 26 ans, Mitterrand demandait aux Africains de s’ouvrir à la démocratie pluraliste, gage de développement. Le continent, contrairement aux espoirs attendus par les peuples, a du mal à accepter la démocratie pluraliste. Le discours de La Baule 20 juin publié en 2015 chez L’Harmattan par l’universitaire Issoufou Konaté se fonde grosso modo sur trois principaux argumentaires : la signification du discours de La Baule, les tenants et les aboutissants de la situation chaotique du continent et quelques esquisses de solutions proposées par l’auteur pour le sauver de la dérive.

Le discours de La Baule

L’instauration de la démocratie comme système de gouvernance est exigée par Mitterrand pendant le 16è sommet des chefs d’Etat de la France et de l’Afrique le 20 juin 1990.  Elle s’annonce comme condition sine qua none pour continuer à bénéficier l’aide de la France. Mitterrand exige le multipartisme basé sur des élections libres et transparentes. Mais Konaté qui connait bien les réalités sociopolitiques du continent se demande si « l’organisation d’élections [libres et transparentes] suffit-elle à faire la démocratie et le bonheur des peuples ? » L’auteur précise que cette exigence de Mitterrand provoque les conférences nationales dans moult pays africains déjà fragilisés par les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI et la dévaluation du franc CFA pour les ex-colonies françaises.

L’Afrique, malade de son destin

Konaté constate que, face aux institutions internationales et régionales, le multipartisme exigé par Mitterrand devient factice. Les élections que voudraient les nouvelles constitutions vont-elles favoriser réellement une démocratie de développement et d’émancipation dans une Afrique marquée encore par une grande pauvreté et des traditions ethniques ? Car généralement en Afrique, les partis politiques sont les « propriétaires » de leur leader et qui se fondent en général sur l’ethnie. Confrontés au diktat des institutions internationales, les pays africains se voient imposés des approches économiques qui ruinent les espoirs des jeunes avec les contraintes de certains organismes comme la Banque mondiale et le FMI.

Des privations imposées par les institutions de Brettonwood pour redresser les économies africaines, ont contribué paradoxalement à leur décadence. Les pays africains ont été obligés de licencier, provoquant un chômage massif, surtout chez les jeunes qui ne sont plus recrutés dans la Fonction publique. Konaté révèle, qu’au niveau du commerce international avec l’Organisation mondiale du commerce, on valorise les produits agricoles de l’Occident sans penser à la production africaine. Des subventions sont accordées aux agriculteurs du Nord. Conséquence : une faible présence des produits africains sur le marché international.

A propos des institutions régionales, Konaté cite quelques-unes comme la CEDEOA, l’UMOA qui se caractérisent par leur incapacité à régler certains problèmes brûlants du continent. Cette situation permet aux Occidentaux de violer les frontières des pays africains pour humilier leurs dirigeants par la pratique de la prédation de leurs ressources naturelles. C’est le cas de Kadhafi « trahi » par l’Afrique et tué par l’Occident. Ne pouvant vivre en autarcie, l’Afrique est obligée d’entrer dans la mondialisation qui s’avère, selon Konaté, une escroquerie inventée par le Nord. Il se demande comment des économies naissantes du continent peuvent-elles rivaliser avec ceux du continent industrialisé ? Aussi révèle-t-il que « la part de l’Afrique dans le commerce mondial ne dépasse guère 2% et c’est pourquoi (…) Sarkozy [pensait] que la France n’a pas besoin de l’Afrique » (p.75). Sauf peut-être pour acheter ses ressources naturelles à vil prix. Pour Konaté, le modèle occidental imposé à l’Afrique a été un échec de civilisation car Occidentaux et Africains n’ont pas les mêmes « civilisations ».

La démocratie que Mitterrand a voulu imposer aux Africains n’a pas fonctionné comme il le souhaitait malgré la présence d’une élite intellectuelle sur le continent. Aux affaires, celle-ci a subi malheureusement la pression du clan, de la religion, du parti politique dont elle entretient les caisses et les prébendes et autres passe-droits. D’après l’auteur, « Transparency International évalue à 25% du PIB africain les ressources gaspillées du fait de la corruption » (p.88). Connectée à la mondialisation, le continent connait la fuite des capitaux encouragée par certains dirigeants qui placent beaucoup d’argent dans les banques occidentales. Pour exemple, l’auteur s’appuie sur Illicite Financial Flows à propos de l’argent perdu par l’Afrique subsaharienne en milliards de dollars. 1970 : 38,267 ; 1980 :131,839 ; 1990 : 95,927 ; 2000-2008 : 358,429. Soit au total 624,324 de 1970 à 2008. (Source : Les Afriques du 20-05-2010).

A la fuite des capitaux, il faut ajouter celle des cerveaux, encouragée par l’Occident comme le prouve le concept d’immigration choisie de Sarkozy président. Ce tableau sombre, où les médias et l’éducation sont médiocres, pousse les Afro-pessimistes à décrier une Afrique considérée comme un vaste marché des produits manufacturés de l’Occident, une Afrique des biens mal acquis de certains despotes. Et l’auteur d’ironiser sur l’argent caché en Europe non protégé par le secret bancaire. Allusion faite aux patrimoines de certains politiques congolais, gabonais et autres. Aussi, faut-il de grands remèdes à tous ces maux.

Une nouvelle thérapie pour l’Afrique

Une fois les maux qui minent le continent décriés, Konaté plaide pour un vrai développement intracommunautaire avec une monnaie commune, une solution aux injustices remarquées au niveau, par exemple, de l’OMC. Il faut une intégration panafricaine financière par les Africains, pas par les Occidentaux qui n’ont que des visées mercantilistes. L’auteur insiste sur le NEPAD qui peine à se consolider, mais qui pourrait instituer un impôt intracommunautaire qui engendrerait beaucoup d’argent pour construire routes et voies ferrées qui relieraient les grandes régions du continent. Pour Konaté, la démocratie pluraliste se fonderait sur l’harmonisation du fonctionnement des institutions (respecter les constitutions et les mandats présidentiels.

Pour conclure

Ces interpellations sévères de Konaté seraient-elles considérées par cette classe politique africaine encore corruptible par l’Occident ? Cette corruption qui «  [leur permet] de placer de grosses sommes d’argent dans les coffres-forts des banques occidentales » (p.92). L’espoir serait du côté de la jeunesse, véritable bombe à retardement qui peut éclater à tout moment, à l’instar de celle du Burkina-Faso et de la Tunisie.

Le 05 Décembre 2016

Noël Kodia

 

 

 


  • Issoufou Konaté, La discours de la Baule : une nouvelle thérapie pour l’Afrique, éd. L’Harmattan, Paris, 2015