LES DOSSIERS

Occident: Malaise dans la civilisation

Le compte à rebours a-t-il recommencé?

En principe, les faits émaillant la vie des peuples ou des civilisations portent en eux le présage des événements futurs. C’est-à-dire que l’évolution des peuples augure de manière plus ou moins lisible de quoi sera fait le lendemain. Ceci répond à la logique de certaines lois immanentes à la nature et qui n’ont rien à voir avec la volonté humaine. 

Il y a des lois naturelles auxquelles l’homme ne saurait se soustraire. La mort par exemple est craint et conjurée dans toutes les civilisations ; mais avec la vie, elles constituent les aspects d’un seul et même phénomène cosmique sur lequel l’emprise de l’homme est vaine. Les civilisations naissent, meurent, et renaissent de façon cyclique en épargnant ce qui dans le changement demeure permanent. Les Grecs à qui est redevable l’Occident, la civilisation la plus luxuriante des temps contemporains, disaient que la vie dans le monde sublunaire suivait un processus à l’abri de tout déterminisme humain, fait de génération et de corruption. Des choses jusqu’au phénomène humain, tout répond à ce cycle et rien ne saurait s’y dérober. Les civilisations passent par la génération, l’apogée puis le déclin, la vie humaine elle-même rythmée par la naissance, la sénescence et la mort. Il y a longtemps donc, quand la sagesse était encore voisine du quotidien des hommes, personne ne repoussait les limites des processus naturelles, mais on conjurait la fin en sollicitant des dieux leur clémence et l’économie de leur courroux. Puis vint un tournant dans l’histoire de l’humanité.

Aux abords de la méditerranée, s’est levée une civilisation qui, graduellement, a contracté l’obsession d’une volonté de puissance sans limite. Belle, puissante et affriolante, elle a refait le monde à sa guise et même repoussé sans cesse les limites du naturel jusqu’à vouloir inverser si possible le processus intime des choses. Elle s’appelle Occident. A-t-elle eu tort ? Est-ce aussi dramatique si l’Occident a l’ambition d’échapper le plus possible à toutes les formes de déterminismes? A priori non; d’ailleurs c’est là-bas que l’idée de l’homme comme sujet à pris corps et c’est aussi là qu’a commencé à s’élargir l’horizon technologique de notre espèce. Mais au-delà du bénéfice d’une meilleure qualité de vie et d’une plus grande assomption de la nature projective de l’homme dont est justiciable cette civilisation, il y a quelque chose dans l’air du temps en ces débuts du 21e siècle qui nous fait penser que oui, cette volonté de puissance à ouvert la boite de Pandore et que l’Ubris divin est à l’œuvre dans cette civilisation. Les Grecs disaient que le dieu Chronos dévorait ses propres enfants ; l’expression allégorique ou la symbolique de l’usure inéluctable du temps sur toute œuvre humaine. Il faut croire alors que le vieux continent perdra de sa superbe. L’Égypte a sombré, Babylone aussi, l’Occident sombrera. Cela a-t-il commencé peut-être? Et comment alors s’il faut prendre en compte la capacité de réinvention permanente et récurrente d’une civilisation dont l’opulence il faut le dire ne laisse aucune autre civilisation indifférente?

De la nécessité d’une déclôture systémique à la domination

 La suprématie de l’Occident sur le reste du monde n’est plus à démontrer. Malgré l’émergence de l’Orient sur la scène internationale depuis quelques décennies, le charme de l’Occident subjugue encore et semble lui conférer une avance que rien ne pourrait entamer et qui semble même défier l’éternité. Puissance politique, militaire, économique, technologie de pointe, tout semble lui aller sur mesure et rien ne laisse présager un déclin dans sa course folle vers l’avenir. Et pourtant, à bien regarder les choses, il y plus d’un siècle qu’il y a un profond malaise dans cette civilisation. Une brèche est apparue au cœur du système, une brèche qui, quand bien même colmatée, perturbe encore et davantage le système avec le temps; une fêlure qui agit comme un virus ayant acquis une résistance et doté de capacité de mutation. Elle ne vient pas de l’extérieur, c’est comme le ver dans le fruit, c’est le système dans lequel l’essence luxuriante de cette civilisation a pris corps qui est à l’origine de sa genèse. Chronos le dieu du temps serait-il à l’œuvre?

Le malaise dont il s’agit n’a rien de mystérieux. Ce n’est pas tant les signes de décadence repérables au niveau des mœurs ou de morale dont il s’agit, c’est tout simplement un problème systémique lié à l’appareil productif des biens de consommation de l’Occident. C’est le problème de la surproduction industrielle entraînant le manque de débouchés pour écouler les produits sur le marché, l’épuisement des stocks miniers ajouté au besoin en ressources naturelles qui a poussé l’Europe à parasiter l’existence du tiers-monde à partir de l’avant dernière décennie du 19e siècle. Cela peut sembler anodin de considérer cet événement déjà séculaire dans l’histoire de l’Occident et d’interpréter sa lisibilité comme étant à l’origine d’un signe évident de déclin ; d’autant plus que le problème a été résolu et que la mondialisation est aujourd’hui la parade la plus éloquente à cette clôture systémique. Et pourtant c’est le cas; cette perturbation dans le système de production est une causalité lointaine du panorama des relations entre civilisations comme elles se dessinent aujourd’hui! Avec la révolution industrielle, il a été mis en marche un système de production gigantesque dont le côté bénéfique et même émancipatoire n’est plus à démontrer. On pourrait traduire cette évolution historique comme une suite de facteurs à causalité variante entraînant des effets emboîtés les uns aux autres. Le développement de la médecine par exemple avait entraîné la baisse de la mortalité et l’éradication de plusieurs maladies, le machinisme a suscité la création de nouveaux emplois, offrant ainsi une meilleure qualité de vie et une grande longévité. Mais tout cela implique comme conséquence logique une rationalisation plus importante et à long terme sur le plan énergétique nécessitée par les personnes de plus en plus nombreuses et vivant davantage plus longtemps. Quelque soit le visage que prend le développement des civilisations humaines, quelque domaine que ce soit, le tout demeure une question d’énergie, d’approvisionnement en ressource de renouvellement. Notre nature métabolique, c’est-à-dire le fait que nous soyons contraint d’échanger de la matière avec le milieu environnant pour survivre, nous condamne à la consommation d’énergie, à son renouvellement jusqu’à trépas. L’acte métabolique est consubstantiel à l’existence et prend fin avec elle. Respirer est un acte métabolique, si nous nous trouvons dans un milieu anaérobie nous mourons par suffocation due à l’absence d’oxygène. Manger, vivre sont des actes métaboliques par excellence.

L’Occident était donc rentrée dans une phase de son évolution où le besoin de maintenir cette qualité de vie luxuriante demandait un plus grand apport énergétique. Seulement le système mis en place est un système clos, renfermé; et c’est cette clôture qui a ouvert la brèche et a aussitôt entamé la solidité de la civilisation occidentale. Il y a une loi physique connue sous le non de deuxième principe de la thermodynamique, qui dit que tout système isolé laissé à lui-même évolue vers la dégradation, l’entropie. Le geste basique quotidien qu’est manger pour accroître les réserves énergétiques ou les renouveler participe à repousser perpétuellement l’ultime entropie chez les espèces organiques, bien entendu la mort. De même, toute entité fédérant des personnes ou groupes de personnes, que se soit les tribus ou l’État moderne, a besoin et doit se renouveler pour éviter la disparition. L’Occident donc, au regard de cette perturbation dans le système de production était confrontée à cette clôture systémique. La logique de la colonisation du tiers-monde répondait plus à cet impératif de  déclôture  systémique qu’à une mission civilisatrice. C’était dans le souci de se régénérer le plus longtemps possible que cette civilisation s’est ouverte sur le monde et l’état des relations de l’Occident avec les autres peuples ne fait que confirmer l’évidence. Les sceptiques pourraient encore se référer aux discours de Jules Ferry devant l’Assemblée Nationale française à l’aube de la période coloniale, justifiant l’intérêt de l’impérialisme français.

 Ce dont nous traduisons aujourd’hui la lisibilité par le signe évident d’un déclin, certes, n’a pas entamé les capacités de l’Occident ; cette dernière ayant magistralement repoussé les limites systémiques de la révolution industrielle. D’ailleurs cette civilisation, au-delà de cette clôture systémique, a trouvé au travers de la mondialisation un moyen de renouvellement frauduleux et mesquin auquel participent bon an mal an les peuples dominés. Mais même si ce succès qui est celui d’un exutoire par rapport à un déclin qui aurait été effectif sans la générosité du sous-sol africain dure depuis plus d’un siècle, la résistance de l’Occident à repousser les prémisses de son déclin est aujourd’hui mise à mal. L’Occident, le lieu des libertés et des droits de l’homme, la patrie de la consécration de la dignité humaine (qualité de personne, et de son rôle de citoyen) peine à conférer aux peuples dont l’existence lui a valu et lui garantit sa pérennité, cette reconnaissance qui est au fondement de sa culture. La situation est paradoxale ; pour une question de maintien de son système de production et de son niveau de vie, l’Occident piétine ses propres convictions, les fondements de sa culture et de sa croyance en la valeur humaine dans ses rapports avec les autres civilisations. Pour se maintenir et échapper à l’usure du temps cette civilisation à développer un côté relationnel monstrueux qui est à l’opposé de sa conception anthropologique fondamentale. La colonisation des autres pays du monde à la fin du 19e siècle révélait déjà des cheveux dans la soupe.

Mais quand bien même elle traduisait une certaine forme de la volonté de puissance, on pourrait mettre en balance le simple fait d’avoir montrer aux autres peuples la possibilité d’un horizon meilleur et plus digne de la gent humaine, comme participant d’une circonstance atténuante en ce qui concerne la volonté de domination. Mais rien n’explique aujourd’hui les pratiques mafieuses et irritantes des métropoles à l’endroit des autres civilisations en général et des pays africains en particulier. L’Irak est actuellement sous occupation des USA pour son potentiel en ressource pétrolière. Les arguments que les USA ont exposés au reste du monde répondent à la même logique émancipatoire qui a poussé l’Europe sur les terres africaines. La loi de compétence universelle va favoriser la citation de Issan Habré devant les tribunaux belges après qu’elle ait été mise en veilleuse pour Israël et pour les États-unis. Et pourtant c’est en Occident qu’il est dit de la gent humaine qu’elle est constituée de personnes autonomes ; des gens justiciables de dignité, et surtout des gens à qui le bien n’est pas dicté. C’est là qu’on proclame à cor et à cri que nous sommes tous égaux devant la loi. Quand les États-unis font campagne pour la démocratique au rythme des bombardiers, chars et canons, cela suscite des interrogations ! La France de Chirac vient de lancer un cri d’alarme pour émousser le sentiment d’un patriotisme économique afin de réguler les méfaits de la délocalisation et de la précarité de l’emploi. Mais pendant ce temps, les multinationales françaises régentent nos ressources énergétiques en Afrique. L’eau, le gaz, l’électricité, bref nos ressources naturelles sont aux mains des compagnies occidentales qui exercent un contrôle sans partage. Les pays dans lesquelles la minorité des chefs d’états lucides tentent de se soustraire à ce jeu de domination gratuite sont curieusement en guerre. Pascal Lissouba démocratiquement élu a connu la déchéance pour des raisons liées à l’entrave des intérêts pétroliers de la France au Congo Brazzaville pendant son mandat présidentiel, Gbagbo gère aujourd’hui une rébellion en Côte d’Ivoire pour sa sensibilité nationaliste. Qu’est-ce qui se passe ? Soit on ne nous reconnaît pas notre qualité de personne et qu’on se moque de nous, ou bien l’Occident est tombé sur la tête et dysfonctionne.

 Au lieu d’établir avec les peuples tiers-mondistes un partenariat sincère, une relation d’interdépendance où chacun pourvoit l’autre des biens dont il jouit, cette civilisation a opté pour une domination aveugle, allant jusqu’à imposer des gouvernements dirigés par des pantins que le peuple abhorre, et porter atteinte à l’intégrité physique des indésirables. Au Togo, la France a consacré la dictature héréditaire en avalisant le coup de force électoral du dauphin du dictateur défunt, dauphin qui n’est autre que le fils du père qui a régné sans partage pendant près de quarante ans . La gestion opaque des biens de l’État s’organise mieux avec des rebus qui n’aiment pas opérer dans la clarté. L’UE a fini par avaliser la forfaiture en jugeant les élections togolaises “globalement satisfaisantes”. Les intérêts de l’Occident passent avant les sensibleries liées à notre qualité de personne. Quand il s’agit des autres civilisations, la culture de l’excellence devient un luxe, les superlatifs ne sont pas de mise, une approximation des valeurs cardinales de la modernité politique est déjà plus qu’assez.

Hélas, les pays assimilés et les autres pays dans le creux de la vague occidentale ont fini par comprendre que ces gens sont des fumistes, que leur appétit vorace et leur soif de domination sont dictés par une seule exigence: le maintien de leur niveau de vie, la survie de leur univers luxuriant. Pour une fois, la capacité de réinvention, d’adaptation et d’initiative face aux limites systémiques dont jouit l’Occident est mise à mal par des besoins existentiels des peuples opprimés. L’anthropologie demande des comptes à la politique, et le naturel se réaffirme comme faisant partie intégrante du culturel. En réalité, hormis un héritage dans l’organisation sociale, un héritage durement éprouvé et mis à mal actuellement, et aussi sa capacité de nuisance (sa force militaire), l’Occident est une civilisation décadente. Elle est comme une vielle prostituée ratatinée par l’usure et qui se maquille sans cesse pour paraître agréable. C’est un géant qui risque d’imploser quand les opprimés se réveilleront et frapperont.

Les conditions sont en train de prendre corps. Quand une civilisation finie par prendre conscience qu’elle n’a pas d’horizon, qu’elle est vouée de façon prématurée et continue à la décadence du fait de la promiscuité avec les civilisations avoisinantes et non par le fait d’un processus naturel, sa réaction peut être imprévisible. Le tiers monde, ce doux agneau qui s’est toujours effacé pour porter l’Occident au devant de la scène internationale se transforme en loup, la psychologie des personnes est en train de changer. Les opprimés sont rentrés dans une phase irréversible de leur assomption. Le monde arabe à travers ses activistes fondamentalistes est en ébullition. L’Afrique s’éveille par une logique d’occupation en douceur de l’Occident. Après plus de cent ans de parades, l’usure entame l’Occident. Cette fois ci le mal est double, il est dans le système et lui est aussi épigonal. Non seulement la productivité à haute échelle et le goût démesuré pour le profit minent les sociétés occidentales, mais aussi les peuples spoliés et lésés commencent à réagir. Une nouvelle ère à l’issue incertaine pour l’Occident vient de s’ouvrir : elle est repérable au travers de trois phénomènes sociaux apparus récemment : l’économisme pour ce qui est des mécanismes de productions occidentales, le fondamentalisme religieux dans sa logique de déstabilisation de l’Occident et la haute fréquence de l’immigration clandestine.

Les trois plaies: De l’occident: Le retour de vagues

 De l’ordre du monde à l’opinion internationale, des experts aux peuples opprimés, nous avons contracté la mauvaise habitude, de prendre les symptômes pour les maux, d’isoler souvent dans l’analyse, les faits sociaux du contexte de leur genèse. Nous ne sommes peut-être pas coutumiers de la lisibilité de certains bouleversements sociaux de l’histoire contemporaine quand étant la conséquence ou l’effet logique de causalités déjà centenaires. Mais du fondamentalisme religieux au terrorisme aveugle, de l’économisme à l’immigration clandestine, il existe un lien intime. Il faut faire l’économie de la thèse d’une apparition contingente des faits sociaux que sont le fondamentalisme religieux et l’immigration clandestine. Ces faits sociaux qui mettent à mal la veille Europe ne sont que la conséquence des relations hégémoniques de l’Occident avec le reste du monde ; bref beaucoup de plaies sociales ne sont que des retours de vagues.

L’économisme

Ce concept auquel beaucoup sont peu habitués est le mal qui ronge l’Occident de l’intérieur. L’économisme est la croyance selon laquelle l’économie serait en mesure de régler tous les problèmes humains, que les lois du marché quand elles ne sont pas entravées ouvrent les voies de la prospérité pour les peuples et les nations. L’économisme intègre non seulement la croyance en la capacité régulatrice de l’économie vis-à-vis des faits sociaux, mais aussi le discours des experts en la matière comme une science à l’opérationnalité absolument exacte. Avec le libéralisme à outrance, l’économie s’est développée en faisant fie des déterminations anthropologiques réelles qui sont liés à sa genèse : l’échange. Elle a laissé la place à la recherche d’un profit exagéré en face duquel la construction du social n’est plus la priorité. Nous vivons de nos jours en plein cœur d’une rationalité économique où la recherche du profit est devenue une fin en soi. L’économie n’a d’autre réalité qu’elle-même, la perpétuation infinie de son potentiel inflationniste. Et ce faisant, les individus ou groupes de personnes qui en possèdent le plus, où qui savent spéculer sur le potentiel inflationniste de l’argent acquièrent une place de prédilection dans la construction du social au travers de leur qualité de décideurs. On peut s’interroger aujourd’hui sur la capacité des États occidentaux à assumer leur fonction régalienne. Car de nouveaux acteurs sociaux sont apparus à leurs côtés avec une capacité de nuisance et d’influence considérable pour exercer un contrôle assez important sur la production du social et même sur l’avenir du monde. C’est les multinationales et les grandes entreprises, minoritaires sur un plan numérique mais dont les décisions et les compétences engagent des millions de citoyens. Elles sont partout, financent la recherche et le développement technoscientifique et sont détentrices des brevets de fabrication des innovations technologiques qui participent à l’émancipation de l’homme. Ces grandes firmes industrielles depuis plus d’un demi siècle délocalisent leurs unités de productions vers les pays pauvres où la main d’oeuvre est bon marché, et où la taxation est insignifiante par rapport aux pays nantis. Les biens de consommations sont ensuite acheminés vers les sociétés de consommation où ils sont très prisés, ce qui insidieusement renforce l’écrasante puissance de ces firmes.

 Ainsi cette pratique commerciale a t-elle une forte incidence sur la raréfaction de l’emploi et la progression du chômage. La qualité des salaires elle non plus n’est pas à l’abri, et la conséquence d’une telle pratique commerciale sur les sociétés de consommation à long terme est périlleuse. Dans des sociétés de production à haute échelle comme l’Occident, il va sans dire que les citoyens doivent avoir un certain potentiel d’achat pour pouvoir consommer, car de la consommation des biens dépend le renouvellement des unités productives et de la société elle-même ; d’où la nécessité d’avoir un emploi pour garantir la continuité du cycle de production-consommation-renouvellement. Or précisément le travail devient rarissime. La précarité de l’emploi en Occident devient de plus en plus inquiétante, pire encore, la puissance de plus en plus impressionnante du patronat devant lequel le salariat et les syndicats se cassent la dent. La rationalité inflationniste conduit au fil des ans à la réduction de l’effectif du salariat et de la révision des salaires. Le rallongement de la vie des travailleurs européens pose aussi de sérieux problèmes sur les systèmes de pension et de productions. Beaucoup de ces travailleurs ont aujourd’hui une durée de vie de vingt à trente ans de plus après leur retraite, et vivent à la charge d’une société dont le baromètre démographique est stable. Ces sociétés (certaines d’entre elles) quand même elles grattent les ressources minérales des pays du tiers-monde, elles doivent produire pour maintenir un certain équilibre. L’État doit donc générer des revenus pour assurer le droit des pensionnés de plus en plus nombreux et dont l’espérance de vie est croissante. La liste des paradoxes est assez longue. L’Occident a conscience des maux liés au capitalisme sauvage. Et l’appel de Chirac en France à un patriotisme économique [Lire] n’est pas gratuit, il traduit une tentative de parade, un cri d’alarme contre ce malaise social dont l’Occident aura du mal à se remettre.

 L’extension de l’Union européenne peut s’avérer être aussi un facteur de régression économique. La vielle Europe accueille à grandes vitesses les pays des Balkans et les pays de l’Est dont l’économie est pauvre. Sa boulimie l’aveugle et le pousse à être partout nonobstant le fait que la solidité de sa jumelle les États-unis tient des facteurs non négligeables comme l’unité linguistique, une économie forte et diversifié avec un réel potentiel de chaque région. Au regard des difficultés survenues dans l’économie de l’Allemagne réunifiée, il n’est pas exclu de penser qu’il y aura un temps de récession dans la recherche d’un équilibre homéostatique. L’Europe est aussi en train de valser avec la Turquie en regardant sous ses jupons. Si cette valse-hésitation n’aboutit pas à des noces, la frustration des Turcs pourra donner lieu à des dérapages.

 On aurait pu parier sur la capacité de réinvention et d’organisation de l’Occident pour une sortie de crise si le malaise se limitait à ce mal systémique. Mais une réaction inattendue du tiers-monde commence à mettre à mal la capacité hégémonique des empires coloniaux. Rien ne garantit la perpétuation du vampirisme énergétique de l’Occident dans les années à venir. Quand l’ubris divin visite l’histoire d’une civilisation que la sagesse a désertée, la providence ou la chance ne se matérialisent plus. Déjà par le passé, sept siècles après J-C, la civilisation hellénique à qui l’Occident doit sa genèse était tombée en décadence après la mort de Marc Aurèle. Ce n’est que cinq siècles après qu’il y eu un nouvel essor grâce aux Arabes qui ont redécouvert l’héritage intellectuel grec, l’ont traduit et retransmis à l’Occident. Mais aujourd’hui cet apport extérieur facteur de renouvellement est loin de se répéter. Le monde Arabe et le monde noir sont rentrés dans une phase de leur destin historique où le premier revendique sa reconnaissance comme acteur mondial à part entière et le second, la recherche d’une qualité de vie digne d’un être humain. Les jaunes eux sont occupés à renforcer leur émergence sur le marché mondial et ne sont pas près à faire des cadeaux à l’Occident dans cette rude compétition. L’affaire du textile chinois sur le marché européen, l’autarcie outrecuidante de ce pays dans la conquête spatiale sont des indicateurs à ne pas négliger.

Le fondamentalisme religieux
A l’encontre d’une hégémonie occidentale

Phénomène moderne connu dans son versant le plus barbare qu’est la terrorisme, le fondamentalisme religieux dans ces revendications idéologiques aussi bien que ses actes frappe par son caractère non contemporain. Les mobiles de ce qui ont sévi aux États-Unis à Manhattan, en Arabie Saoudite, en Afghanistan, dans les métros londoniens ou les gares espagnols et un peu partout dans le monde, ainsi que les moyens utilisés, traduisent de façon évidente le fossé béant qui existe entre le monde Arabe profond et l’Occident sécularisé. La lisibilité de cette plaie moderne par l’intelligentsia occidentale a touché du doigt, une réception difficile par ces terroristes islamistes de cette destruction créatrice des formes de vie archaïques qu’est la sécularisation. Ce qu’on a mis en cause, c’est la frustration ressentie par ses terroristes islamistes pour les peines causées par le déclin des formes de vie traditionnelles où les valeurs anthropologiques les plus fondamentales qui demeuraient décisives dans la question du bien [1] ont du plomb dans l’aile. Aujourd’hui, la séparation de l’autorité temporelle de celle spirituelle, ou bien l’esquisse dans les milieux où cela n’est pas advenu, finie par déboucher sur des formes de vie où l’arrogance de l’homme sécularisé rentre en conflit avec une civilisation dont le pouvoir est toujours d’inspiration théocratique. L’Occident ne cache pas son ambition de faire de la planète un monde globalisé où disparaissent toutes les frontières, un monde mu par la foi en un progrès scientifique qui s’enfonce dans le paradigme d’un naturalisme cru au cœur duquel on fait peu cas de la morale. En somme, la mise au pas de l’autorité théocratique qui s’opère par gradation dans le monde Arabe par le truchement d’un monde qu’on prétend globalisé qui est déjà le fait de l’Occident, serait ressenti par les fondamentalistes comme un acte d’expropriation, un bien acquis dans l’iniquité, de manière impie ou illégitime contraire au loi d’Allah. D’où la conviction islamiste selon laquelle la société moderne globalisée incarne le malin, le Satan, d’où l’allégation par les terroristes que leurs actes ont des motivations religieuses.

 Cette analyse certes, n’est pas dénuée d’intérêts, d’autant puisque dans les civilisations arabes, le sujet n’est pas né, autrement, que le citoyen n’est pas autonome au sens kantien du terme, et qu’il suit les règles d’un pouvoir spirituel dictée jadis par le prophète sous l’auspice d’Allah seul détenteur de la vérité. Le problème donc in fine serait du fait de la sécularisation. Si c’est le cas, il semble que des motifs cachés seraient à l’œuvre et que l’analyse n’a pas encore détectée. D’abord du fait que la sécularisation est vécue de façon duale par les occidentaux eux-mêmes et l’Asie aussi bien que l’Afrique qui subissent aussi la globalisation ne versent pas dans cette terreur. Le problème serait plutôt du côté de la volonté de puissance mutuelle de ces deux civilisations ; le monde Arabe et l’Occident. Les Arabes avaient déjà dominé le monde, c’est d’ailleurs elle qui à fait redécouvrir à l’Occident l’héritage hellénique. Il y a eu l’empire Perse bien avant Mahomet certes, il y a eu l’empire Ottoman.

Le souvenir de cette hégémonie passéiste se nourri aujourd’hui à la source d’une conscience historique encore vive, et l’appel à une hégémonie future d’inspiration « Djihadiste ». A cet appel dit divin par les soldats d’Allah, s’ajoute le sentiment de frustration qui prend racine d’une globalisation dont le bénéfice est dévolu au seul « ennemi ». Les pays du Golfe Persique sont riches de leur pétrole. Mais pourtant les pays les plus en vue dans le monde Arabe ne le doivent qu’aux prix d’un bon voisinage avec l’Occident. Et ils doivent s’incliner devant cette civilisation qui aux yeux de ceux qui veulent d’une société d’inspiration fondamentalement théocratique, représente l’ « ennemi », l’infidèle. Ils ont du mal à accepter leur rôle de subalterne, et pire encore cette hégémonie d’Israël à l’égard des palestiniens, une hégémonie dont l’Occident est aussi en partie responsable. Ce serait donc plutôt la perte toujours renouvelée de cette volonté de puissance qui serait au cœur des relations ensanglantées entre le monde Arabe et l’Occident. La frustration serait double ; au titre de l’iniquité du monde globalisé, et de la perte d’une suprématie dont la reconquête est fragilisée à chaque fois par l’avancée de l’Occident.

 Entre l’Occident et le Monde Arabe, c’est aujourd’hui la question du partage des zones d’influences et d’une suprématie sur le pouvoir temporel. Pour le moment ces islamistes sont occupés à restituer à leurs peuples ce qui semble à leurs yeux participer de la question d’une vie bonne et d’une société juste. Après ils verseront dans la recherche de leur suprématie. Le mal c’est qu’ils utilisent les faiblesses de la démocratie pour frapper fort (porosité et disparition des frontières entre États, libre circulation des biens et des personnes, qualités de personnes et de citoyens etc.,). On sait à présent qu’ils échappent à un contrôle effectif des forces de sécurité, cette dernière étant plus opérationnelle au lendemain des forfaits. Le combat de l’intégrisme religieux risque de défigurer profondément l’Occident. Il engage déjà les politiques dans un schéma restrictif des libertés citoyennes. Des frappes répétées à fortes fréquences vont avoir une forte incidence dans l’opinion, réduire les libertés d’une société démocratique, faire tomber les gouvernements, instauré la loi martiale et susciter des émeutes. Bref, elle va mettre à mal la capacité des gouvernements actuels à endiguer le mal. Ces derniers vont tomber pour laisser la place aux ultranationalistes qui versent déjà dans la solution la plus facile, la xénophobie.

Le réveil de l’Afrique noire: L’immigration comme logique d’occupation passive

Il y a plus d’un siècle, l’Europe voulait d’une Afrique européenne. Une tête pensante des impérialistes français, et pas des moindres, Jules Ferry, disait avec arrogance que « l’Algérie est le prolongement de la France… ». Aujourd’hui certains Africains veulent d’une Europe africaine et cela n’est pas du goût du vieux continent.

 Le drame humanitaire qui se passe aux portes de l’Europe est loin d’être un acte isolé sans rapport avec les relations eurafricaines. Ce que l’on croit comme étant le déplacement de populations miséreuses africaines vers les États prospères européens n’est en fait qu’un mécanisme de régulation. C’est une logique d’occupation qui se dessine certes, mais elle ne cache rien de vindicatif comme le fondamentalisme religieux, et elle se fait de manière pacifique. Ce mouvement migratoire n’est pas dicté par une volonté de puissance, mais par un impératif existentiel qui est la recherche d’un horizon. Les sociétés humaines sont comme des organismes vivants à la recherche de leur équilibre métabolique. Elles répondent aussi à la nécessité de leur pérennité. Le Monde Arabe d’essence théocratique a trouvé sa voie dans les textes sacrés. L’Afrique elle coupée de sa conscience historique reste plongée dans l’immanence, c’est-à-dire qu’elle opère dans un registre qui est lié au simple fait d’exister et de survivre en se pérennisant. On pourrait dire que la logique d’occupation qui se dessine est purement basique comme un acte métabolique lié au maintien de la vie. Aucune idéologie ne sous-tend ce déplacement de population. Pour l’instant c’est la dissolution de la nature psychoaffective des déplacés qui les pousse à cette odyssée vers l’Europe. Mais les choses pourraient changées.

Naturellement, dans l’Afrique traditionnelle, il est reçu que la politique est réservée à une élite dont la légitimité est ontologique ; à entendre par là que leur compétence ainsi que le rôle qui leur est dévolu est a priori socialement accepté et ne fait donc l’objet d’aucune contestation. Mais avec l’inscription de l’Afrique dans la modernité politique, cet équilibre s’est désagrégé avec l’apparition de nouveaux acteurs dont la légitimité ne s’origine toujours pas de la souveraineté populaire censée remplacer le mode de légitimité traditionnel en garantissant la paix sociale.

La paix sociale ou l’équilibre des nations repose donc dans ce schéma non pas sur un consensus social, ni moins sur un compromis, mais sur la capacité de répression des politiques au pouvoir. Cette pratique politique atypique au regard des fondements de la modernité politique, a bénéficié de propagandes idéologiques invitant les élites à vivre dans un seul et même creuset national. Mais l’organisation réticulaire du monde due au développement et à l’intensification des moyens de communications a desservi cette pratique politique qui a pris en otage et retardé l’exercice des droits citoyens. Les années 1990 ont révélé la genèse sociale d’un éveil de conscience sur le plan politique. Mais c’est sans compter avec les habitudes mafieuses invétérées des pouvoirs en place, l’inexpérience des partis d’opposition qui ont très vite récupéré la synergie populaire, mais ont échoué dans leur mission parce qu’aveuglés eux aussi par l’exercice du pouvoir, et surtout, la volonté de puissance de l’Occident dont les grandes métropoles décident de la pluie et du beau temps en Afrique. Cet éveil ne donnant rien de concret, et les anciens reprenant du poil de la bête, une chasse aux sorcières a très vite scellé le sort de militants qui se sont mis à découvert. Ce sont ces indésirables du pouvoir, les gens désœuvrés, sans avenir, sans horizons, ces gens dont la nature projective est dissolue qui dans un ultime élan se tournent vers les terres où la possibilité de matérialiser les rêves est plus évidente sinon certaine. Voilà que cela leur est refusé. Et comment encore ? De la manière la plus inhumaine qui soit. L’Occident s’est trouvé un bourreau qui accomplit la sale besogne en l’entité qu’est le Maroc, le pays de « Notre ami le Roi ». Inutile de rentrer dans les détails. Quand un homme brave des kilomètres de sable sans eaux et sans nourriture n’ayant comme véhicule que la force de ses membres inférieurs, se jetant sur des barbelés de plus de six mètres, faisant fi des balles des patrouilles de police marocaine, il faut comprendre qu’il fuit la mort et le dénuement de là où il vient. Et c’est vers ces lieux avec lesquelles le divorce est consommé, ses terres où s’est dissolue la nature projective de tout un peuple, ce monde sans avenir et sans horizon qu’on ose les refouler et sans leur trouver une perspective d’existence décente.

Voilà donc qu’un acte qui ne répondait qu’à un besoin de la pure immanence ; le désir d’exister et de se perpétuer, on oppose une fin de non recevoir. L’Occident est en train de former sans le savoir une armée invisible qui va se liguer contre ses intérêts, soit sur ses terres, soit dans les pays d’origine de ces immigrés. Le traitement dont ces clandestins refoulés sont victimes les dote d’un potentiel de révolte et de haine qui aura besoin d’être dissout. Il y a un seuil de tolérance à toute douleur humaine. Quand ce seuil est dépassé, la possibilité de verbaliser les émotions traumatiques s’achoppent sur un potentiel d’agressivité qui plonge dans l’aphasie et qui fait appel au moyen d’expression le plus naturel : la violence. D’un geste dicté par un besoin de la pure immanence (la survie), va se greffer alors une idéologie du combat, de la haine, du règlement de compte. Derrière chaque immigré clandestin, dans la plupart des cas, se dresse une liste de proches parents ayant dépensé des fortunes pour financer le voyage, payer les passeurs etc. Chaque immigré est un investissement potentiel. Ils doivent s’implanter en Europe pour rembourser les dettes de leur périple et faire déplacer après d’autres personnes. Le sentiment de dénuement et la frustration à l’origine du rejet des besoins les plus basiques, vont trouver nécessairement un canal d’expression. En Afrique, avant même que les Africains de la diaspora soit l’objet d’incendies criminels, et les candidats à l’immigration clandestine traités comme du bétail atteints de la maladie de la vache folle, un sentiment antifrançais prenait corps, en l’occurrence en Côte d’Ivoire et au Togo. Verrait-on apparaître en Afrique noire les attentats à la voiture piégée, le sabotage des intérêts occidentaux, ces genres de sinistres dont certains pays musulmans comme l’Égypte ou l’Arabie Saoudite deviennent coutumiers parce qu’on prive les opprimés de leur ultime recours ? De toutes les façons, ces gens qu’on renvoie au bercail réagiront. Ils viendront bousculer l’ordre établi pour se faire une place de gré ou de force. En tout cas les manifestations post traumatiques seront à la hauteur des chocs reçus. Suicides, banditismes de haut niveau, instabilité sociale, rebellions armées contre les autorités du Sud qui parasitent la vie sociale, terrorisme, cela n’est pas exclu.

L’Occident aurait tort de minimiser les sombres présages que sont la lutte passive des peuples africains, la volonté de puissance du Monde Arabe et les pannes systémiques du système de production capitaliste, sans quoi sa capacité à repousser son déclin dans le futur va rester improductive. Cela n’a rien de prophétique, les signes sont assez ostensibles, c’est un retour de vagues.

La lisibilité réelle des phénomènes sociaux et leur intégration dans les processus de décision

L’Europe, aux dernières nouvelles, pencherait pour l’organisation d’un sommet avec l’Afrique où seraient invités les pays dont les ressortissants partent à l’assaut de ses terres. Que va-t-on faire, qu’est-ce qui sera dit ? Serait-ce le début d’une véritable coopération basée sur l’interdépendance, l’assistance mutuelle, ou continuerait-on à ignorer les causes réelles à la genèse de ce drame pour sacrifier les faibles sur l’autel de l’intérêt et de la domination ? Cécité ou orgueil du plus fort mise en difficulté par le minus, l’avorton, l’Occident à du mal à établir un vrai dialogue avec les peuples sous son hégémonie. Même ceux qui au fil du temps ont acquis une puissance de frappe et une capacité de nuisance comme les pays Arabes, donc capable de susciter un dialogue ne font pas encore l’objet d’un traitement autre. Le fondamentalisme religieux au-delà de la terreur aveugle qu’elle inspire et des cibles gratuites qu’elle atteint appelle essentiellement à l’instauration d’une politique plus conséquente au cœur de laquelle la civilisation humaine et non celle occidentale soit valorisée. Dans le tintamarre des bombes explosant et la sauvagerie incroyable des kamikazes ou islamistes terroriste à l’œuvre, se profile une mise en demeure à l’Occident de trouver un langage commun assurant et reconnaissant la validité de leur forme de vie. Mais cet appel est resté sans suite. Les mesures les plus radicales sont mises en place pour combattre le terrorisme et non pour dialoguer avec les insurgés. De même, la problématique de l’emploi, ou bref, la nécessité de repenser à neuf le système de production au vu des dérives du capitalisme ne semblent pas inspirer grand nombre de politiques occidentaux. Quand cette civilisation importe sur ses propres sols sa logique macabre d’exploitation et de domination, il faut présager que le sommet euro-africain serait une entourloupe de plus.

 Ce serait dommage, car il urge à présent d’avoir une vue synoptique des phénomènes ici énumérés afin d’entrevoir la causalité dont ils sont l’effet. Non seulement il faut considérer que certaines loi naturelles échappent toujours aux déterminations humaines, mais aussi que la nature, la terre qui nous abritent à son cycle qui lui est intrinsèque. Nous sommes rentrés dans une ère cosmique où le monde tend vers un équilibre. L’Occident sait à présent que l’équilibre est essentiel à la pérennité du monde. La pensée écologique en s’opposant à l’excès technoscientifique marqué par le désir de matérialisation de tous les possibles introduit un équilibre dans la sphère de l’agir technoscientifique. C’est un combat quotidien qui implique de nouveaux acteurs et créé de nouveaux horizons. On sait à présent le prix à payer si le rapport avec la nature est dessiné par la seule logique de domination cartésienne. La politique à besoin de cet équilibre elle aussi. Le drame humanitaire qui s’installe aux portes de l’Europe est le signe patent d’un malaise existentiel qui doit mobiliser l’attention de ceux qui font la pluie et le beau temps. On ne peut plus continuer à répondre par le viol des consciences, la répression et la sourde oreille à l’appel étouffé des gens, des personnes et citoyens qui ne demandent qu’à vivre de la façon la plus décente, la plus digne qui soit. On est loin d’imaginer la violence toujours à l’œuvre envers les opprimés, née du choc des civilisations.

 Ce que les grand acteurs occidentaux ignorent, c’est que le temps a fait son œuvre et à présent le langage que comprend le mieux l’Occident est connu de monsieur tout le monde. Il n’y a que la violence aveugle, et la nuisance aux intérêts économiques qui font trembler le géant. C’est du catastrophisme ambiant avec lequel la nature réagit vis-à-vis de la domination de l’homme à son égard et la crainte d’un dommage irréversible que s’origine la conscience écologique. Le sentiment de psychose lié à la probabilité des attaques terroristes islamistes n’a de sens qu’à la lumière de l’expérience traumatique du potentiel de nuisance de ces gens. Susurre t-on à l’Afrique de passer par là? Étouffée sur tous les plans, l’Afrique peine à émerger alors qu’elle est pleine de richesse. On s’amuse à donner de l’espoir à ses populations dont le quotidien est fait de misères, et quand ils se battent pour s’en sortir on vient leur couper l’herbe sous le pied en les enfonçant d’avantage. Quand le premier kamikaze palestinien a frappé en Israël beaucoup croyaient que c’était un acte isolé. C’est devenu la mode aujourd’hui.

 Qu’on le veuille ou non, l’humanité est entrée dans un nouvel âge. L’appel à l’équilibre s’accentue à tous les niveaux. Un nouvel élan est possible et le tout n’est qu’une question de volonté politique. Desserrer l’étau chers maîtres, avant que l’ubris divin ne soit plus manifeste. Il faut s’interroger quand une civilisation aussi puissante, qui a la tête dans les étoiles et la nature entre ses mains commence à trembler devant le naturel des choses. Les catastrophes naturelles deviennent de plus en fréquent, le climat devient imprévisible, etc. Les cyclones déstabilisent les États-unis, le soleil tue des millions de personnes, l’Occident commence à avoir la psychose des poules après l’épisode de la vache. C’est quand même poilant que le géant se sente menacer par de la volaille. Quand les équilibres naturels sont brisés, quand certaines barrières sont franchies, l’univers tout entier révulse. Ce que l’Occident a fini par comprendre vis-à-vis de la nature s’applique aussi aux autres civilisations. Interdépendance entre les civilisations et non domination. Le choix est encore possible.

Bruxelles, le 16 janvier 2006
Korh pour afrology

 

 

1. Ici la question du bien renvoie a celle de la vie bonne qui est inhérente à la volonté de l’individu qui choisit librement ses valeurs morales, ses convictions religieuses ou tout ce qui relève du domaine de l’affect pour donner un sens à son existence sans interférence avec les autorités publiques chargées de la question du juste qui est sociétale.