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La question électorale au Togo

Comment relancer le processus démocratique?

Le 13 mars 1991, Gnassingbé Eyadèma se rend compte que son régime vacille. Des étudiants de l’Université du Bénin (actuelle Université de Lomé) contestent ouvertement son régime. En réalité, cette fronde qui gronde depuis le 05 octobre 1990, il ne l’a pas vue arriver. Le 15 mars, il décide de rencontrer ses nouveaux interlocuteurs politiques, des étudiants « chapeautés » par des avocats, lesquels avocats avaient peur des conséquences de la contestation déclenchée par des étudiants, et reprise par la jeunesse et les femmes.

L’espoir né de cette quête de la démocratie s’incarne en apothéose par une conférence nationale en juillet 1991[1]. L’objectif de ses assises nationales est la préparation des populations, des organisations politiques et des institutions au jeu de l’alternance politique.

Il faut préciser que depuis 1963, le Togo régenté par des militaires puis, à partir de 1969 par le parti unique, le RPT, n’avait plus connu d’élections libres. La Conférence nationale du Togo jette les bases des consultations populaires dont la première, un scrutin présidentiel, se tient en 1993. Suivent ensuite ceux de 1998 et 2003…

Tous ces scrutins feront l’objet de contestations par l’opposition, cristallisant un déficit de confiance de nature à installer, à demeure, un contentieux électoral entre les forces d’opposition et le régime d’Eyadéma. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux en l’occurrence l’Union Européenne, auront vite fait de suspendre leur coopération avec le Togo au titre de l’aide publique au développement dès 1993 pour cause de «déficit démocratique»[2].

Pour comprendre l’enjeu véritable, il faut connaître les acteurs impliqués de loin ou de près dans la crise (I), le matériau sur lequel ils ont ambition d’agir (II), les perspectives de sortie de crise offerte par le coup de force du 05 février 2005 qui dessert plus qu’il ne sert une dictature qui se veut héréditaire (III), enfin les obstacles qui jalonnent la route vers un scrutin démocratique, et que l’opposition togolaise doit lever en se donnant, pour une fois les moyens idoines (IV).

I° Les protagonistes

Le paysage politique est occupé par des partis politiques qu’on peut regrouper en quatre ou cinq grandes tendances. Plus de 50 partis sont déclarés au Ministère de l’intérieur togolais.

1) Le régime en place

Il s’agit de l’ex parti unique, le Rassemblement du Peuple Togolais[3], crée par, et pour Eyadèma. Ce parti Etat est dirigé de 1969 à 2005 par son fondateur. Il est présidé depuis le 25 février 2005 par son fils Faure Gnassingbé.

Avec l’amorce du processus démocratique, le RPT a suscité[4] la création de certains partis et financé d’autres comme le Mouvement des Croyants de Mr d’Almeida Mawutoe[5], le Parti Ecologiste Panafricain de Mr Lawani, le Parti pour le Renouveau et la Rédemption de Mr Nicolas Lawson, ou encore, le Rassemblement pour le Soutien à la Démocratie et au Développement de Mr Olympio Harry[6].

2) L’opposition intégrée[7] est constitué d’un groupe de partis catalogués dans l’opposition, mais qui ont une position déclarée d’ouverture vers Eyadèma et le RPT dans un souci avoué de règlement de la crise.

Ces partis participèrent à la rédaction du nouveau code électoral, et ils se sont associés aux engagements pris par le régime devant l’Union Européenne le 14 avril 2004.

3) L’opposition classique[8]. Il s’agit du groupe dominant de l’opposition qui forme actuellement la coalition des 6 partis qui appellent à des élections démocratiques, et qui ont opté pour une candidature unique à cet effet.

4) L’opposition contestataire[9] , quant à elle se réduit presque à un parti qui, par ses critiques et analyses, ne se situe pas dans les schémas précédents. Ce parti ne participe pas aux divers scrutins estimant que les conditions minimales ne sont pas remplies, étant entendu que seules les masses populaires organisées pourraient contribuer à un changement qualitatif de régime.

5) Les forces démocratiques[10] sont un conglomérat d’organisations politiques, autres que les partis, qui oeuvrent pour l’avènement de la démocratie au Togo, par la voie pacifique incluant la voie des urnes, et pour certains par la lutte armée.

Cette catégorisation des oppositions tend en particulier à permettre une meilleure lecture de la structuration de l’échiquier politique togolais. Mais encore, faut-il souligner que le fait de compartimenter les différents groupes d’acteurs de la vie publique nationale n’établit pas – et cela n’a jamais été le cas – des cloisons étanches entre les divers protagonistes notamment en ce qui concerne ce que l’on pourrait désigner de “bloc des oppositions.”

II°. Les sources lointaines de la contestation des scrutins et blocage du processus démocratique depuis 1991

1) La domination historique du paysage politique par le RPT

Depuis sa création en 1969 jusqu’en 1991, le RPT a été le seul acteur de la vie politique togolaise. A partir de 1991, la mainmise opérée par le RPT sur toutes les structures et superstructures du pays rend son opposition inexistante institutionnellement. L’utilisation systématique des grands moyens de l’Etat à des fins partisanes n’entraîne, chez l’opposition, que déclarations et communiqués de contestation. Ce parti, constitué de cadres, de politiciens retors, de jeunes très turbulents, régente dans toutes ses composantes la vie de la « Nation ». Maintes figures ou cadres de l’opposition actuelle ont longtemps fait partie du sérail[11] . L’exemple type en est Kodjo Edem[12], leader de la CPP et ancien Secrétaire général du RPT. C’est lui, le technicien qui a contribué à l’implantation du RPT dans toutes les régions, communes et circonscriptions administratives du Togo. Ce parti structuré en 3 niveaux hiérarchiques à savoir le Bureau politique, le Comité central et les Cellules était dirigé par Eyadèma en personne.

La tentative de dissolution de ce parti en 1991 s’est soldée par un échec dont l’épilogue a été émaillé par des exactions sanglantes. L’assaut donné au siège du Parlement de transition, en fut la plus triste illustration.

Les autres partis n’ont vu le jour qu’en 1991 dans une période de troubles socio politiques. Aucun parti n’a pu, à ce jour, réussir sa complète implantation, ni se doter d’une structure d’opposition face à l’appareil oppresseur du RPT. Et d’ailleurs, ce monopole exercé sur la scène politique, le RPT n’entend pas le partager, encore moins, le céder.

2) Le poids de l’armée dans la vie politique togolaise

L’armée, est une composante de la vie publique togolaise. Cette fonction atypique est voulue et assumée par l’Armée et Eyadèma. Tous les officiers sont d’office membre du parti, même après 1991.

De plus, l’Armée est dotée d’une structure bicéphale[13] : l’état-major classique, officiel, et l’état-major officieux qui n’est repris dans aucune structure de l’Armée.

Cette entité regroupe des officiers issus du « clan », et placés sous le commandement direct de Eyadèma. Le Lieutenant Ernest Gnassingbé étant l’exécutant des décisions de l’entité : disparitions, assassinats, tortures[14].

Avant la disgrâce des officiers en 1979[15], l’Armée était dans toutes les sphères de la vie togolaise. Les postes-clés de certains ministères leur étaient réservés. Mais surtout, ils contrôlaient les activités économiques : la direction du port, l’adjudication des marchés publics, les sociétés privées dirigées par des prête-noms. Les domaines dans lesquels ils ont longtemps sévis sont les sociétés d’opérations maritimes (les fameux transitaires), milieux où ils détenaient des capitaux quand la société ne leur appartenait pas en nom propre ou à des proches comme des beaux-frères, des frères ou des cousins.

A partir de 2002, on a assisté progressivement à une nouvelle reprise en main ostentatoire de la vie socio économique et politique par les militaires.[16]

Ce système de privilèges était contrôlé depuis le palais présidentiel, par Eyadèma.

3) La régence du président défunt et le « Clan »

L’historien Congolais Elikia Mbokolo disait un jour d’Eyadèma, qu’il dirigeait le Togo comme un Chef de village. « Il connaissait tout le monde, la vie privée de tout le monde et était informé quotidiennement de la vie familiale de chacun… ». Les renseignements généraux, et une section spéciale du 2ème bureau, le renseignement militaire, rendait compte directement à Lomé II, et ce, au jour le jour.

Les adjudications de marchés publics, les créations de sociétés privées, les décisions de justice, les dossiers judiciaires dans certains procès civils ou commerciaux…[17] tout lui était soumis.

Eyadèma a formé autour de lui un « clan », un cercle de personnes dévouées à ses lubies.

  • Le noyau de ce cercle est constitué de la famille, et de personnes toutes dévouées comme Yaya Malou, un parent, Gbégnon Amégbo, alias Barthélémi Elo (qui pourtant interdit en privé aux siens d’adhérer au RPT), feu Panou, le lieutenant Ernest Gnassingbé, capitaine Titikpina…
  • Le 2ème cercle est composé, sur une base régionale, des dignitaires ou « barons » : de Messieurs Barry Barqué à Alex Mivédor en passant par Eklo, Pitang Tchalla, Fambaré Natchaba, Bagnah Ogamo, des officiers comme Gnofame, feu Améyi…
  • Le 3ème cercle est constitué des « opérationnels », ceux qui ont des tâches spécifiques, dans la magistrature, les ambassades à l’étranger, l’animation et le contrôle des réseaux d’influence tant nationaux qu’internationaux.

L’appareil s’auto gère mais fonctionne sous le contrôle de Eyadèma.

En 12 ans, il a su initier son fils au fonctionnement complexe des rouages de son système. Cet appareil qui, lorsqu’il est acculé, use de violence, et de mesures dilatoires.

Dans le domaine lié aux élections on assiste périodiquement à un savant mélange des 2 méthodes : discrimination en matière d’accès aux médias, listes électorales truquées, persécutions, menaces et atteintes à l’intégrité physique des candidats et de leurs militants.

Au vu de ce vrac, on s’interroge sur le choix des voies qui amènent aux mutations des régimes autocratiques vers un système libre et pluraliste. Entre la peur de la perte des privilèges, la volonté de se maintenir au pouvoir par intérêts personnels ou claniques, et, une opposition volatile, déconnecté du peuple, arc-boutée sur une base pas forcément pluriethnique ; un électorat à 72% analphabète[18] et peu perceptible, le chemin vers des consultations électorales reste, en la circonstance, peu fiable.

III° Le coup de force du 05 Février et ses conséquences positives sur la relance du processus de 1991

Nous n’affirmerons jamais assez que le coup de force du 05 février 2005 est une chance unique pour recentrer et poser à nouveau le problème togolais.

Cette braise entretenue depuis 1990, et que finalement le 14 avril 2004, Eyadèma s’engage solennellement à éteindre, en commençant à dissoudre l’Assemblée nationale afin d’organiser des élections législatives anticipées avant le 31/03/2005.

L’opposition avait, alors, dénoncé ce calendrier ainsi que les préparatifs électoraux peu rassurants.

Une élection libre et transparente ne semblait pas possible[19].

Le 05 février 2005 Eyadèma décède. Quid alors de son engagement contracté auprès de son peuple et de l’Union Européenne?

Est-il suspendu ou au pire des cas, est-il frappé de caducité ?

Dans tous les cas, le décès de Eyadèma empêche le scénario de la dissolution de l’Assemblée nationale, et donc l’application des 22 engagements pour plusieurs raisons.

Un Etat sans président ne peut se permettre de dissoudre sa représentation nationale. Pas plus qu’il ne peut élire un Président quand celui « élu » est contesté. Il va falloir auparavant établir et résoudre les problèmes posés par les élections contestées : Le b.a.-ba du sérieux des institutions. Dans le cas togolais, le président par intérim, président de l’Assemblée nationale, ne peut dissoudre celle-ci.

Voilà que, après le décès du président, des militaires organisent un coup d’Etat avant de se retirer et de proposer des élections à condition qu’ils en soient les organisateurs !

Cet acte posé en violation de la Constitution, qui de facto est suspendue, rend définitivement impossible toute consultation populaire avant un seul préalable politique acceptable, lorsqu’on dépasse les considérations juridiques et constitutionnelles.

Or, ce préalable n’est pas proposé ou réclamé : une assise entre les putschistes, l’opposition et des médiateurs internationaux afin de canaliser la bonne foi de chaque partie.

Ensuite, les protagonistes pourront discuter des mesures d’accompagnement ; de la période allant du décès du président jusqu’aux élections.

1) Les questions du découpage électoral et du code électoral

Le découpage électoral et le code électoral font parties du contentieux électoral soumis à l’appréciation de l’Union européenne. Actuellement, il existe 2 codes au Togo. L’un élaboré par le CPS[20], et qui a été modifié par le RPT en mars 2002, puis  en février 2003. Un second code est en préparation dans le cadre des 22 engagements pris devant l’Union Européenne en 2004.

Parallèlement, la modification de la constitution du 27/09/1992, le 31/12/2002, par l’Assemblée nationale détenue majoritairement par le RPT, avait pour objectif de supprimer la disposition qui limitait le mandat suprême à deux consécutifs, reste aussi un autre sujet de discorde.

Politiquement, on ne peut discuter du code électoral sans aborder la question de la modification de la Constitution en 2002. Les 2 questions sont liées.

Il est autant hasardeux de confier la question du découpage au ministère de l’intérieur, et l’adoption d’un code électoral à une assemblée composée presque exclusivement par des députés du RPT en sachant que, si le projet ne correspond pas a leur desiderata il ne sera pas adopté.

Comment critiquer le fondement même des institutions en leur réclamant des consultations populaires transparentes?

Comment contester la nature même d’un régime, et lui confier l’organisation d’un scrutin devant entraîner sa fin ?

Des personnes habituées à servir et à ne rendre compte qu’à un maître, seraient toujours réticentes au contrôle et à la critique d’une tierce personne en qui, elles ne reconnaissent pas un maître.

Comment dans un pays où les institutions sont aux mains d’un parti et d’un homme, ces institutions peuvent-elles rendre des comptes à d’autres personnes en l’occurrence l’opposition ?

La condition de bonne fin du contentieux électoral togolais peut être déclinée de la façon suivante: un audit des fichiers, ou à défaut, un nouvel enregistrement électoral et des garanties minimales de sécurité. Le Togo étant dans une période exceptionnelle qui rend caduque les 22 engagements de Eyadèma, et, qui suspend la Constitution.

2) La mise en œuvre d’élections démocratiques

« Vouloir se présenter aux élections dans un système pris en otage par l’ex-parti unique, qui contrôle toutes les instances des décisions, pour légaliser une prise de pouvoir non conforme à la volonté populaire, est un suicide : si l’histoire ne se répète pas, il est des histoires connues d’avance… »[21]. Cette évidence rappelée, l’opposition quant à elle, semble s’en rendre compte avec un grand retard et va donc au scrutin à reculons.

Pour se rassurer, elle en appelle à la communauté internationale pour l’envoi d’observateurs et pour la correction des listes.

Faure Gnassingbé sait qu’en 60 jours, l’organisation matérielle des élections, même internationale, ne pourrait venir à bout du système de fraude mis en place des années durant par le RPT.

Nul ne comprendra sans doute jamais, la raison de cette précipitation aux élections, au motif de respecter une constitution au demeurant suspendue de facto. Au risque de surprendre, au décès de Eyadèma, l’opposition avait toutes les cartes en main mais, elle n’a pas su les jouer.

Une revendication claire concernant les putschistes avant toute discussion, aurait permis de faire pression, à défaut des armes, avec les masses populaires organisées. La Constitution suspendue par un coup d’Etat, nul n’est tenu de la respecter, et il convient de la restaurer d’abord avant de la respecter[22].

Nous sommes confortés dans notre analyse, puisqu’à ce jour, nul ne l’a encore jamais respectée. Ainsi, aux exemples passés s’ajoutent de nouveaux.

Ainsi, la date proposée pour les élections n’est pas celle de la Constitution à laquelle on prétend être revenue. Les élections devraient se tenir dans les 60 jours consécutifs au constat de la vacance du poste de président. Cette vacance ayant été constatée le 06 février 2005, les 60 jours expiraient le 06 avril et non le 24 avril. Détail insignifiant mais d’importance pour identifier la tactique des stratèges du RPT.

On prétend revenir à la Constitution mais, Natchaba le président de l’Assemblée a été éjecté, et pour narguer l’opposition, on l’amène présenter des excuses au Clan. Que tirer alors comme conclusion ?

Les seules élections transparentes possibles doivent avoir lieu :

  • Avec la soumission des putschistes aux règles minimales de la paix sociale ;
  • La garantie de sécurité par les Forces Armées Togolaises aux candidats et aux électeurs;
  • La garantie d’un scrutin libre aux électeurs.

IV°. Les écueils à une victoire de l’opposition

 « Il ne faut pas confondre tactique et stratégie…. Il s’agit d’un moment historique pour en découdre et mettre fin à la dictature »[23] nous a confié un des fervents soutiens au choix des élections.

Profiter de la situation d’une victoire usurpée pour déclencher une contestation populaire jusqu’à la démission des usurpateurs, tel au Madagascar hier et en Ukraine il y a peu, au Kirghizsan… A défaut, le pays peut aussi basculer.

La question importante est donc de savoir quelles sont les conditions minimales exigées pour aller aux élections ? Est-ce les 22 conditions de la coalition des 6 partis ?

A défaut de cerner les contours encore flous de la stratégie de l’opposition, il est intéressant de passer en revue les handicaps d’ordre technique et psychologique qui pénalisent l’opposition.

1/ Les écueils techniques

– La confusion entre trésor de guerre du RPT,  les bourses de l’Etat et celles de Gnassingbé père. Les moyens financiers déployés régulièrement par les Gnassingbé, sont-ils ceux de l’Etat, du RPT ou de la famille ? Le site officiel togolais, dans un article intitulé « pas de confusion de genres » publié le 18/03/2005[24], précise que le fils Gnassingbé ne vit pas aux frais du contribuable, qu’il utilise un avion de location pour ses déplacements à une société privée, et que la résidence de Lomé II appartient aux Gnassingbé. On constatera que, cette mise au point n’est pas apportée par la famille mais le site officiel, encore qu’on ait omis préciser que Mr Faure dispose de la garde rapprochée du père, composée de militaires de l’armée togolaise, donc rémunérés par l’Etat. Privilège que les autres « candidats » n’ont pas. A voir les dépenses effectuées par l’Etat pour les obsèques nationales de Gnassingbé, à Lomé et aussi à Pya ( ?), on ne pourra que légitimement s’interroger. Qui a payé la facture des obsèques ?

– Les électeurs volatils. Ce sont les électeurs qui sont acheminés des pays étrangers pour voter. Ils proviennent du Bénin (25%) et du Burkina Faso (50%). Une carte d’électeur leur est remise pour voter dans des bureaux qui leurs sont désignés à l’avance[25]

– Les électeurs multiples ou flottants. Ce sont les électeurs qui votent plusieurs fois. Ils sont en possession de cartes d’électeurs qu’ils utilisent dans le même ou plusieurs bureaux de vote.

Ce sont des cartes de vrais électeurs (les destinataires supposés de l’opposition en sont privés) et /ou de faux électeurs.

– Les électeurs absents. Des cartes sont émises au nom des togolais de la diaspora qui pourtant ne résident plus au Togo. Ces cartes sont laissées à l’utilisation de tous.

– Les électeurs morts. Des cartes d’électeurs sont émises au nom de personnes décédées. Il faut aussi souligner que cette catégorie d’électeurs tend à diminuer.

– Les bulletins de vote. L’impression de bulletins parallèles aux bulletins officiels. Ces bulletins servent à bourrer les urnes. L’insulte consiste à jeter sur les décharges publiques des bulletins n’ayant pas servi.

– Les urnes parallèles[26] . Il s’agit d’une des spécialités des fraudeurs patentés. Des urnes sont fabriquées parallèlement à celles du ministère. Ces urnes sont bourrées pour remplacer les vraies urnes durant le processus de vote ou à la clôture du vote.

– Les limites d’une mission d’observation électorale. La bonne mission d’observation doit couvrir tous les bureaux de vote. Au Kosovo, une telle prouesse a été possible.

Les observateurs ne sont pas des spécialistes de l’organisation des opérations de vote. Une mission a toujours tendance à se servir des paramètres dont elle a la maîtrise, c’est-à-dire ceux de son pays. Certes, il existe une norme minimale reconnue par l’ONU.

La bonne mission consiste à placer les observateurs dans la circonscription l’électorale avant le vote. La mission est présente avant, pendant et après les opérations de vote.

Comment bien organiser des élections fiables dans des pays où les gens votent sans pièces d’identité, puisque tous les citoyens n’en ont pas ?

Comment organiser des scrutins fiables lorsque les registres d’état civil ne sont pas fiables ? Les fonctionnaires n’étant pas régulièrement rémunérés, des actes de naissance authentiques sont délivrés contre rémunération. Il est courant de voir un togolais avec plusieurs identités à des noms ou dates de naissance différents. On retrouve toutes ces personnes sur les listes.

– La sécurité des électeurs qui sont terrorisés avant et durant le vote. Les isoloirs sont « visités » pour vérifier si on a voté pour le « bon candidat ». A défaut, l’électeur est battu de préférence en public pour dissuader les autres candidats au « zèle électoral ».

– La sécurité du personnel des bureaux de vote. Les membres indésirables de l’opposition sont laissés à eux-mêmes ou renvoyés chez eux- pour des raisons de sécurité !.

– La sécurité des candidats : Le maquis devient le lieu le plus sûr.

– Le dépouillement des bulletins, et la proclamation des résultats ont lieu à l’écart des yeux profanes.

2/ Les écueils stratégiques

– La mésentente entre les partis de l’opposition eux-mêmes « Edem Kodjo, ancien Premier ministre, avait le premier appelé à une candidature unique, avait affirmé à l’AFP avant même la désignation de M. Akitani Bob que le choix d’un candidat « n’a pas été fait au nom de la famille politique de l’opposition, mais au nom d’une fraction de l’opposition et même en définitive d’un seul parti. » De tels propos prêtent forcément à conséquence.

– La frustration des militants. Une fraction non négligeable des togolais s’attendait à voir, « Olympio out », le professeur Gnininvi avec le soutien de Péré affronter le « Clan ». Une élection au finish était prévue[27].

– La personne du candidat, ou le leadership du candidat choisi. Dans les démocraties naissantes, les votes portent plus « une personne » qu’un programme politique au pouvoir. C’est pourquoi ces peuples sont plus regardant quand il s’agit de la « poigne » du candidat. Le négliger peut constituer une grave erreur.

– Le charisme du candidat sur la psychologie de la masse

Une élection ne se gagne pas seulement parce qu’il y a une volonté d’en découdre ou d’en finir avec un ordre ancien, rétrograde et dictatorial.

Une élection se remporte aussi grâce à la personnalité du candidat, à son charisme et à sa vision politique. Nous l’avions dit tantôt.

Pour une élection, il faut un leader. Et pour emprunter l’exemple d’une démocratie confirmée, les USA, lorsque Kerry perd les élections, c’est qu’il n’est pas un bon leader et on doit le changer.

On objectera que le Togo n’est pas les USA. Alors pourquoi vouloir aller aux élections avec les conditions et les moyens des pays à démocratie confirmé? Les élections, au demeurant précipitées sont-elles la panacée au déficit démocratique togolais ?

Tout laisse croire que nous allons sur ce pas, au mieux, à une situation de cohabitation qui ne changera rien ; au pire à une compromission dangereuse avec ceux qui sont à la recherche d’une légalité et d’une légitimité qui leur manquent tant.

Un Mémorandum de la CDPA-Bt analyse, à suffisance, le schéma de juin 2003, et qui risque de se reproduire le 24 avril prochain[28]

Ainsi, face au maintien de Faure et la manifestation de l’Armée dans la vie politique togolaise, l’opposition aurait dû réclamer leur destitution avant toute discussion, toute élection et toute médiation.

Curieusement, l’opposition va reprendre la position de la CEDEAO et de l’Union Africaine qu’elle qualifie de médiateur. Le 26 février 2005, le professeur Gnininvi déclare qu’il espère que « la partie en face joue le jeu de la bonne foi…La CEDEAO a fait sa médiation et nous en sommes venus aux décisions, aux suggestions de la CEDEAO… »[29].

Un médiateur par définition essaie de concilier deux extrêmes.

Pour le RPT et l’Armée, l’extrême a été le coup d’Etat. Quid de l’opposition ? Le retour à l’ordre constitutionnel était au fait une revendication des médiateurs.

L’opposition n’a pas saisi l’opportunité de réclamer la mise aux arrêts avant toute discussion avec le RPT pour l’organisation du scrutin. Il ne s’agirait là que d’une position principielle. Aux médiateurs alors de régler le différend. Ce premier acte est une démonstration de l’impuissance de l’opposition.

Ensuite cette opposition proposera, pêle-mêle, une amnistie, des accords et des élections[30]. Faure saisira l’aubaine pour imposer unilatéralement comme date du scrutin, le 24 avril ; c’est à dire les 60 jours à dater de sa démission, et non du constat de la vacance de la présidence, le 06 février, comme la Constitution le dispose. Encore une entorse passée inaperçue…

L’opposition se prépare aux élections. Elle envoie des représentants à la CENI mais, ceux-ci refusent de prêter serment au motif fallacieux que la Cour constitutionnelle s’est fourvoyée. Or en acceptant d’aller aux élections avec les putschistes, dont cette Cour, la contestation de la légitimité est battue en brêche.

Finalement, les représentants finiront par prêter serment devant la Cour. 2ème épreuve à l’avantage de Faure toujours.

Demain, le scrutin du 24 avril pourra être reporté en toute quiétude. Ce sera alors une 3ème épreuve de force remportée par le Clan qui jette la rétention des cartes d’électeurs aux yeux de l’opposition, à une fin dont seul, il a secret.

Le Conseiller spécial de Faure Gnassingbé, Mr Barqué, n’a t-il pas un jour déclaré, aux représentants du COD II[31], à propos des Accords de Ouaga en 1993, « vous fonctionnez sur la base de l’enthousiasme populaire. Il suffit qu’on vous jette un leurre, et vous vous épanchez en déclarations et manifestations. Pendant ce temps, nous élaborons des stratégies et nous occupons de l’essentiel ».

Entre les urnes et le chaos des 100 ans en arrière promis maintes fois par le général défunt, la marge de manœuvre reste ténue.

S’agira t-il d’une ultime bataille, ou celle-ci ne fait que commencer ?

Bruxelles, le 05 avril 2005

Gomez Alex, journaliste-communicologue

Houmey Raymondo Noviti, juriste-journaliste

Missodey Josélito, juriste

 

1. En 1991 se tient la conférence nationale du Togo, sorte d’états généraux des forces vives de la nation, qui jette les bases du retour à une vie démocratique au Togo.

2. Le 14 avril 2004, le Togo s’engage vis-à-vis de l’Union Européenne, à relancer son processus démocratique. Dans cette perspective, l’Assemblée Nationale devait être dissoute suivie de l’organisation des élections législatives anticipées. Au préalable, les listes et code électoraux devaient être corrigés ou modifiés. Ces corrections et modifications sont très rapidement devenus un nouveau sujet de discorde entre l’opposition et le régime. Finalement, une partie de l’opposition se ralliera au processus de modification, alors que l’autre partie rejettera les conclusions de la commission électorale mise en place à cet effet.

3. Le Rassemblement du Peuple Togolais est crée le 30 août 1969. Il fut jusqu’au 12 avril 1991, le seul parti politique.

4. Tout comme le Parti Républicain Indépendant de Mr Goyo Grunitzki créé sur les conseils de feu Houphouet-Boigny, président de la Côte d’Ivoire, qui lui suggère, la création d’un parti, en qualité de descendant du 2ème président. Avec un bémol, le PRI ne devrait pas intègrer l’opposition dite radicale contre Eyadèma, qui donne sa bénédiction à ce projet.

5. Mr d’Almeida est un ex mouchard infiltré dans les rangs des étudiants togolais en France dans les années 70/80, par le ministre de l’intérieur de l’époque, Mr Laclé. Mrs Lawson et Olympio sont candidats à l’élection anticipée d’avril 2005.

6. Mr Olympio du « Rassemblement pour le Soutien à la Démocratie et au Développement, avait été le premier à organiser ouvertement des manifestations dans les rues de Lomé quand l’armée a installé Faure Gnassingbé en tant que président quelques heures seulement après la mort de son père Gnassingbé Eyadema, le 5 février, après 38 ans de règne sans partage », AFP, 17/03/05. Pour l’anecdote, en 2003, Mr Olympio a du déposer 20 millions de FCFA (30 750 €) de caution comme candidat mais, il n’a pu payer 500 000 FCFA d’honoraires à son avocat la même année…

7. Groupe composé de la Convergence Patriotique Panafricain de Mr Edem Kodjo, et du Parti pour la Démocratie et le Renouveau de Mr Zarifou Ayéva car constituée de partis favorables à un partage de pouvoir avec le RPT…

8. Ces partis regroupent des partis protagonistes d’élections démocratiques : le Comité d’Action pour le Renouveau de Mr Agboyibo, la Convention Démocratique des Peuples Africains du professeur Gnininvi, l’ Union des Forces de Changement de Mr Gil. Olympio. Ces 3 partis sont rejoints par, le Pacte Socialiste pour le Renouveau, de Mr Péré, l’Alliance pour une Démocratie et un Déceloppement Intégral du Dr Kampatibe.

9. C’est la Convention Démocratique des Peuples Africains – Branche Togolaise du professeur Gu Konu, auquel il faut peut être ajouter, le Parti Communiste Togolais. Ces partis ont pour finalité, moins des élections qu’un débat sur l’avènement d’un nouveau modèle de conduite de la vie politique.

10. Ce sont : la Nouvelle Dynamique Populaire au Togo, la Concertation Nationale de la Société Civile en exil, la Diaspora Togolaise pour la Démocratie, Bâtir Le Togo, le Comité Togolais de Résistance, la Nouvelle Organisation des Combattants de la Liberté.

Ces de mouvements ont un objectif plus ou moins identifiable : l’avènement d’un Etat de droit, par la force, la négociation ou les élections.

11. Il s’agit des ailes marchantes du RPT : les femmes avec l’Union Nationale des Femmes du Togo, les syndicats avec la Confédération Nationale des Travailleurs du Togo, les jeunes avec la Jeunesse du RPT, les étudiants avec le Mouvement National des Etudiants et Stagiaires Togolais, les élèves avec les Sous sections scolaires, 3S et les quartiers avec les Cellules de base.

12. Mr Kodjo fut à une époque, le 2nd homme fort du RPT. La légende veut qu’ayant remarqué lors d’une visite au Togo, l’ovation faite à Kodjo après Eyadèma, Mr Mobutu conseille à Eyadèma de supprimer le poste de SG afin de rester le seul maître à bord du navire. Les SG maîrtisant mieux le fonctionnement des organisations que le Président. Depuis le RPT n’a eu que des secrétaires administratifs jusqu’en 1992.

13. Lire, « Une Armée au service de sa philosophie», par Billy Knock, ANB/BIA Spécial, janvier 1997.

14. Alors que Ernest organisait des enlèvements et des assassinats, un autre officier, le commandant Narcisse Yoma Djoua était désigné à la vindicte populaire.

15. Pour une sombre affaire de complot, Eyadèma arrête plusieurs officier de l’Armée (le capitaine Sanvee…) tandis que les autres durent leur salut à la fuite (les capitaines Merlaud et Francisco Lawson…).

16. Lire, « Analyse critique des conséquences du coup de force du 05 février 2005 », note 15 , par Raymondo Houmey et Alex Gomez

17. Un bâtonnier togolais, un jour appelle un ami en France pour l’informer avoir vu son frère, un militant patenté du RPT à la résidence de Eyadèma. A la demande de cet ami de savoir ce qu’il y faisait lui, le bâtonnier, il laissa tomber, « tu sais, nous soumettons certains dossiers au président avant les audiences… ».

18. Estimation des auteurs. Le Togo a un taux d’alphabétisation de 58,4% (www.lintelligent.com), et une population rurale de 71% de la population nationale (www.republicoftogo.com)

19. Lire infra, page 7

20. Pour résoudre la crise politique née suite au scrutin de 1998, il est initié un dialogue politique inter togolais, à l’issue duquel des accords baptisés, Accord Cadre de Lomé a été signé. Une Commission permanente de suivi a été créée pour suivre le processus de juillet 1999 à mai 2002. Cette CPS va élaborer un code qui est adopté par l’Assemblée RPT le 5 avril 2000.

21. Marie-Roger Biloa du mensuel Africa International,

22. Lire, « Renverser le régime pour restaurer la Constitution » , Raymondo N. Houmey – Lire

23. Dixit un des responsables du Comité Togolais de Résistance en France.

24. RepubliOfTogo –  Lire

25. Témoignage et preuves de Mr Kouévi Ekoué Hervé remis aux autorités belges à propos des élections de 2003.

26. Mr Barboza Galégumé, « Témoignages du Grad » à la Diastode et au Conel à propos du scrutin de juin 2003.

27. Les vélléitaires d’une action armée sont même rentrés dans les rangs face à ce schéma que Gnininvi a su imposer.

28. Cdpa-Bt, Un mémorandum qui mérite d’être lu, extrait, «…On y parle au contraire de “situation de cohabitation”, d’un “éventuel gouvernement de cohabitation…”. La conclusion du document continue ainsi d’être une fuite en avant dans la politique d’opposition dominante, même si on y stigmatise avec force la duplicité de Jacques Chirac, et qu’on y affirme ne pas comprendre ” que l’OIF resta sourde et muette en voyant les autorités togolaises piétiner allègrement la Déclaration de Bamako par le tripatouillage d’un cadre consensuel à la veille même des élections “. Où a-t-on déjà vu l’OIF “(Organisation Intergouvernementale de la Francophonie) ” aller à l’encontre des intérêts de la France?

“Quel est l’intérêt pour l’opposition démocratique “d’accompagner ” le pouvoir RPT dans un simulacre d’élections législatives en l’absence de l’indispensable révision du cadre électoral…” se demande le mémorandum dans sa conclusion (p. 62). Et il affirme deux pages plus haut que ” Toute participation de l’UFC et de l’opposition démocratique à de nouvelles élections reste liée au règlement de cette question cruciale et déterminante… “, à savoir la révision du cadre électoral.

Question et affirmation rassurantes. Mais à condition que la direction de l’UFC reste cohérente avec elle-même.

Le 13 janvier 2003 à Agoue, le président de l’UFC avait proclamé qu’en raison de la modification arbitraire de la constitution et du code électoral, aller aux élections n’avait plus aucun sens pour l’opposition démocratique…

Que fera l’UFC et ” l’opposition démocratique ” si le régime refusait la révision du cadre électoral, faisait voter par son Assemblée RPT l’avant-projet de code électoral contesté par l’opposition, et décidait de faire les élections en vue en dépit de tout?

Pour être efficace, la politique d’opposition n’a pas seulement besoin de tirer sa force de la force organisée de la masse de la population. Elle a besoin aussi d’être cohérente et ferme »,  www.cdpa-bt.com , Lomé, 3 décembre 2004

29. Journal magazine pluriel, Radio Lomé, le 26/02/2005.

30. Mr Patrick Farbias, section internationale, Les Verts : « il est difficile de faire de la pédagogie, expliquer que le cadre de la Constitution n’est pas réglé, tout en participant aux élections … A la proposition d’un gouvernement d’union antionale sous le contrôle de l’ONU, il répond que « les verts pourraient soutenir une telle démarche seulement si l’opposition la demande : Pour être la caisse de résonnance, encore faut-il qu’il y ait quelque chose à faire résonner, l’opposition n’a pas de ligne claire », extraits du PV de la rencontre du 09/03/2005 à l’Assemblée nationale française, avec des mouvements togolais (Initiative 150, DTF, CTD, RTDS, France Togo, Sursaut Togo, CTSD, CTR)…

31. Collectif de l’opposition démocratique, organe précurseur de la Coalition.